Deux mauvais sorts ont été rompus à Montréal, jeudi soir: Scott Gomez a enfin compté un but et surtout, surtout, le chanteur Adam Cohen a pu exorciser la peur qu'exerçait sur lui  le Club Soda.

Il y a une dizaine d'années, un Adam en proie au doute abyssal et au syndrome de l'imposteur y avait présenté un spectacle plutôt pitoyable. Jeudi soir, tout cela est devenu un simple mauvais souvenir. Dans un Soda bourré à craquer, Adam Cohen, d'abord craintif et même un brin tendu, est devenu lui-même sous nos yeux: le fils de Leonard Cohen, oui, certes, mais aussi et avant tout un musicien solide, un conteur hors pair, un auteur-compositeur à part entière, un gars que les hommes aimeraient avoir pour ami et les femmes, pour amant. Bref, Adam...

Ceux qui ont assisté au spectacle d'Adam Cohen en automne dernier au Upstairs Jazz Club ont dû être aussi surpris que moi, jeudi, du début du spectacle: tournant le dos à son attitude décontractée et chaleureuse du Upstairs, Cohen a présenté ses premières chansons avec sérieux, lançant tout juste «ce n'est pas un mensonge: I'm fucking happy to be in Montreal» avant d'interpréter avec charme et efficacité ses Lie Alone, Sweet Dominique, Hey Jane et autres belles chansons comme Like A Man et What Other Guy (tirées de son quatrième et très bon album Like A Man). Éclairages soignés, musiciens sobres (et franchement écoeurants tant ils sont bons, la violoncelliste-guitariste Mai Bloomfield et le multi-instrumentiste Michael Chavez), enchaînement des morceaux, tout était posé, pro et classe. Oui, mais où était  Adam, celui capable de manier le miel mais aussi le vitriol, la chanson romantique et l'anecdote décapante?

Il a surgi enfin: de même que c'est son petit garçon qui l'a motivé à faire le disque dont il rêvait (Like A Man), c'est de nouveau l'évocation en spectacle de cet enfant (dont c'est le cinquième anniversaire aujourd'hui, bonne fête, Cassius!) qui a permis à Adam Cohen de redevenir vraiment lui-même. C'est-à-dire unique. Avec une voix qui, c'est vrai, ressemble à celle de son père Leonard, mais avec aussi plein de choses qui ne sont qu'à lui: un mélange séduisant de gouaille et de vulnérabilité,  un amalgame rare de malice mordante et de poésie sensuelle, un improbable croisement de grâce et de résilience, de romantisme et d'autodérision. Bref, bien plus que simplement «le petit Cohen». Quelque chose comme le grand Adam, peut-être...

À partir de ce moment, Adam Cohen  a ensuite tout séduit, jusqu'aux murs de brique du Club Soda! Que ce soit pour ses reprises inspirées de What's Going On de Marvin Gaye et de Nothing Compares 2 U de Prince (en duo avec la chanteuse Rachelle Yamagata, qui a offert ses jolies chansons d'«amour mal» en première partie) ou pour ses propres chansons (magnifique Beautiful, Eleanor, Overrated, Out of Bed...), Cohen était Cohen, tout simplement. Y compris quand il a magistralement raté le début de So Long, Marianne de son père Leonard, ce qui a donné lieu à un moment de délire délicieux sur scène et dans la salle!

Bref, Adam Cohen est en en tournée au Québec jusqu'au 18 février (de nouveau au Club Soda ce soir, mais aussi à Sutton, Drummondville, Québec, Trois-Rivières et Saguenay). Comme un seul homme et comme un Adam à nul autre pareil.

Infos spectacles : adamcohen.com