Don Juan est de retour à Montréal. Inutile d'enfermer vos filles à double tour, mesdames et messieurs. Ce séducteur-là n'est pas le jouisseur impénitent et malicieux du célèbre mythe. Félix Gray, auteur et compositeur de cette comédie musicale à grand déploiement, en a plutôt fait un romantique... qui s'ignorait.

Le spectacle, qui fut le dernier gros coup de Guy Cloutier dans le showbiz, n'a pas beaucoup changé depuis sa création au Théâtre St-Denis. Signe le plus éloquent, ses deux têtes d'affiche sont les mêmes: Jean-François Breau et Marie-Ève Janvier interprètent encore Don Juan et Maria, la belle sculpteure qui lui ravira son coeur.

Sept ans après sa création, les époustouflants danseurs de flamenco et les chansons aux accents gitans interprétées par Chico Castillo offrent encore les meilleurs moments de la soirée. Pas tous, mais presque. Le désir brûlant, la passion dévorante et la fougue menaçante, ce sont eux qui la portent.

Ce n'est pas la faute des chanteurs. Ils ne sont pas responsables du ton «supraromantique» du spectacle, ils ne font que le porter. Breau et Janvier, qui en connaissent les moindres inflexions, s'illustrent, naturellement. Parmi les «recrues», Natasha St-Pier et Jonathan Roy se démarquent. Elle possède la voix la plus riche de la distribution (elle survolait littéralement la mêlée dans les numéros choraux), alors que l'ancien hockeyeur fait preuve d'une aisance étonnante pour un jeune homme qui a si peu d'expérience de scène.

Le reste de la distribution s'avère moins à son aise. Amélie B. Simard possède une bien jolie voix, mais fait pâle figure comparée à la magnétique Cassiopée, qui a créé le rôle d'Isabel. Étienne Drapeau ne fait tout simplement pas le poids - sur le plan vocal et de la présence sur scène - dans la peau de Don Carlos. Normand Lévesque, qui incarne le père de Don Juan, ne s'est pas révélé un chanteur bien convaincant...

Le spectacle tient néanmoins la route, à condition qu'on soit sensible aux airs tendres et sirupeux de Félix Gray. Les succès tirés du spectacle tels Changer et Du plaisir font encore mouche. L'amour est plus fort, magnifiquement interprété par les trois chanteuses de la distribution compte aussi parmi les bons moments, tout comme N'as-tu pas honte (Natasha St-Pier) et Duel à l'aube au plan strictement dramatique.

Malgré le temps et les nombreuses représentations, les faiblesses de la mise en scène n'ont pas été corrigées. Les déplacements des chanteurs demeurent mécaniques. L'émotion passerait sans doute mieux, d'ailleurs, si ceux-ci jouaient davantage entre eux plutôt que d'arpenter la scène pour aller s'épancher face au public.

Même si on regrette que Don Juan n'ait pas plus le diable au corps, sa montée dramatique s'avère efficace. Les combats à l'épée, fort bien intégrés aux musiques, sont très habilement chorégraphiés et l'esthétique d'ensemble est cohérente. Don Juan, visiblement, ne veut pas changer, mais on ose toute de même cette dernière remarque: baisser le volume de la bande-son d'un cran ou deux mettrait davantage en valeur les voix qui le méritent.

Jusqu'au 12 février à la salle Wilfrid-Pelletier.