Derrière son piano, elle rayonne de bonheur en chantant avec son charme angélique. Sa vie est comme une comédie romantique, avec des hauts et des bas racontés en chanson avec humour. Mais si elle est gaffeuse et maladroite, elle ne ferait jamais de mal à une mouche.

Voici Ingrid St-Pierre, qui se produisait mercredi soir à La Tulipe, avec les chansons de son premier disque, Ma petite mam'zelle de chemin, sorti au printemps dernier.

Quand elle a lancé le bal avec une chanson qui a pour titre le nom de son idole, Desjardins, la chanteuse et pianiste de 26 ans était déjà en pleine maîtrise de ses moyens sur scène, regardant la foule avec aisance tout en souriant.

Accompagnée magnifiquement du quatuor à cordes Quatr'Ailes, elle a poursuivi avec la pièce T'sé, où la jeune femme raconte à l'être aimé : J't'attendais pas, mais t'as mis des aurores dans mon trois et demi.

Ingrid St-Pierre a ensuite expliqué à la foule que sa vie était remplie «d'histoires rockambolesques un peu bizarres», si bien qu'elle a déjà appelé son père en larmes en voyant la portière de sa première voiture neuve complètement écrabouillée. Or, ce n'était pas son char... «C'est tellement Ingrid!» a lancé une spectatrice assise à côté de nous.

Ingrid St-Pierre parle de sa vie avec candeur. Les textes de la jeune auteure-compositrice-interprète, recrutée par l'étiquette La Tribu au printemps dernier, sont soignés et bien ficelés, malgré une surabondance de récits du quotidien et de jeux de mots sur-écrits (Homéostasie crânienne).

Quand elle parle de sa robe «qui pique» ou qu'elle dit ne pas avoir «le minois d'un top-modèle», Ingrid St-Pierre rappelle le mauvais côté de Lynda Lemay. Surtout lors des pièces où elle fait porter le texte sur un ton plus parlé que chanté (Les Ex, Pâtes au basilic). C'est mignon et amusant, mais cela tombe parfois dans le mièvre.

Quand elle opte plutôt pour un chant mélodique, cela donne lieu à de grands moments, notamment pendant Deltaplane, qu'elle a interprétée en début de spectacle, mercredi soir. Ingrid St-Pierre a une belle voix haut perchée, douce et d'une grande justesse. Quand elle l'utilise tel un instrument et non tel un journal intime, cela ajoute une couche sonore à ses chansons pour les transporter encore plus loin.

Avant le rappel, plusieurs spectateurs de La Tulipe avaient la larme à l'oeil en voyant Ingrid St-Pierre interprétait Ficelles, chanson d'une beauté poignante écrite pour sa grand-mère souffrant d'Alzheimer. L'auteure-compositrice y fait passer l'émotion avec une économie de mots qui devrait être appliquée à ses futures compositions. Le chemin de ta maison/ Comment on se maquille les yeux/La fête de tes enfants/Mais oublie pas mon nom.

Son assurance sur scène est également un précieux atout. Ingrid St-Pierre peut jouer du piano debout en enfilant un chapeau, comme elle peut chanter seule au micro ou derrière un ukulele. Après le rappel, elle a fait un medley rigolo de tubes populaires (Metallica, Britney Spears) qu'elle se réappropriait au piano jadis dans des cafés de Trois-Rivières.

Charmantes sont ses interventions entre les pièces, quoique parfois trop scolaires. Même chose pour la mise en scène de son spectacle. Les filles du quatuor à cordes qui ont pris des ustensiles de cuisine pendant la chanson Pâtes au basilic? Trop cute, ce n'est comme pas assez...

Du premier disque d'Ingrid St-Pierre se dégage une candeur sans malice et un côté «petite fille» qui évoque le personnage d'Amélie Poulain au cinéma. C'est mignon telle une comédie romantique, mais aussi inoffensif.

Pour poursuivre dans la métaphore cinématographique, Ingrid St-Pierre montre néanmoins avec certaines pièces qu'elle est capable de donner dans le propos plus mature et dramatique... et c'est là que ses airs candides se transforment en véritables chansons pop-rock.

Pas de doute, Ingrid St-Pierre trouvera sa place parmi les autres chanteuses et pianistes (Catherine Major, Chloé Lacasse, Coeur de pirate).

Elle a le charme, le talent et la voix qu'il faut. Et on va la suivre avec intérêt sur son petit «mam'zelle de chemin».