Taylor Swift, 21 ans, méga-star de la pop aux États-Unis, et désormais à Montréal. Elles étaient près de 14 500 jeunes filles (et leurs mamans, parfois leurs papas) au Centre Bell ce jeudi soir à assister au concert de la blonde chanteuse associée à la scène country américaine, le temps d'un tour de chant gonflé par une scénographie bonbon et généreuse.

On m'avait pourtant prévenu : apporte tes bouchons, ça va crier, les filles attendent près des portes du garage rue Saint-Antoine depuis 8h ce matin en espérant apercevoir ses blondes boucles et ses yeux bleus acier. Parti en vitesse, les ai oubliés, et me voilà devant la page blanche avec l'écho de ces cris juvéniles qui me labourent le cortex. J'ai aussi d'imprimé sur la rétine le scintillement des petits bâtonnets lumineux multicolores qu'on devait vendre treize à la douzaine tant les gradins du Centre Bell avaient l'air d'une boîte de Smarties radioactifs. On l'attendait, la jeune Swift, c'est le constat.

Son premier concert à Montréal, elle s'en souviendra. Ses fans aussi : dans son décor ambitieux façon Grand Ole Opry avec faux plancher de lattes de bois, draperies rouges et lampions vieillots au sol, avec ses planchers coulissants, sa passerelle et la petite scène au fond du parterre, ses danseurs et sa dizaine de musiciens, Swift a donné un concert presque théâtral, détendu mais trop parfait dans l'exécution dans lequel elle semblait jouer son propre rôle de nouvelle princesse de la pop.

Mine de rien, ce n'était pas la première fois que Taylor Swift tournait au Canada, mais à chaque fois, elle évitait le Québec. C'est dire combien la demande a crû, combien la jeune chanteuse de Wyomissing, Pennsylvania a rapidement accédé de jeune pousse country pop en incontournable pop star... en Amérique du Nord, pour l'instant seulement. L'Europe? Elle ne l'a pas attrapé au lasso : la soixantaine de concerts qu'elle donnera jusqu'en novembre seront tous sur ce continent.

Ironiquement, Swift peut remercier Kanye West pour sa vive ascension. Le 13 septembre 2009, alors que le MTV Video Awards la couvre de trophées, le rappeur Kanye West agit comme un goujat et interrompt les remerciements de la chanteuse pour affirmer que Beyoncé aurait dû gagner à sa place. L'incident est devenu un phénomène viral sur le web, sortant le nom de Swift de l'orbite country pour le faire atterrir sur la planète pop.

Elle semble s'y plaire, à tout prendre. Devant nous, elle joue l'émotion un peu exagérément, mais tout ça semble être un jeu pour elle, l'authentique plaisir de chanter et de faire la mignonne devant ses fans. La surenchère de tableaux, de changements de costumes et de décors, aurait même dû voler la vedette aux chansons si celles-ci n'étaient pas aussi mièvres, particulièrement ces interminables ballades.

On a vu Taylor Swift comme une héritière de Shania Twain : une musicienne de talent (à la guitare et au piano plus qu'au banjo, dont elle joue de manière rudimentaire), une beauté exceptionnelle par surcroît. Il ne lui manque maintenant que de vraies bonnes chansons, c'était justement le point faible de son tour de chant durant lequel elle affirme son talent d'instrumentiste et de performeur, malgré une présence vocale effacée, à cause d'une sonorisation dévalorisante et, peut-être, de quelques séquelles d'une récente bronchite.

Tout au long de la soirée, on se promenait entre pur country pop (avec violon, mandoline, trois guitaristes sur scène), pop adolescente (genre Avril Lavigne ayant de la classe) et ballades sans aucune saveur. Le spectacle était surtout pour les yeux, les chorégraphies, l'attitude attachante de la star, le décor qui évoluait avec les tableaux. Ses succès? Belle Our Song, dans un décor genre « En veillant su'l perron », l'enfilade Fearless (jouée au ukulélé, jolie version) et Last Kiss offertes du fond du parterre, puis l'explosive You Belong With Me, qui ont fourni les meilleurs moments de la soirée.

De mignonnes chansons, bien sûr, mais encore loin des bombes radiophoniques qui ont rendues Shania Twain la star internationale qu'elle est devenue. En attendant qu'elle y parvienne, Taylor Swift se montre généreuse à l'endroit de ses fans et n'a plus à faire la preuve qu'elle a la musique dans le sang. C'est déjà beaucoup.