C'était soirée de clôture, samedi dernier, pour le 12e festival Montréal en lumière. À cette occasion, la salle Wilfrid-Pelletier était bondée pour la première d'un concert «familial» intitulé The Man I Love, qui réunissait sur scène et pendant presque deux heures la cantatrice Natalie Choquette et sa non moins célèbre progéniture, la chanteuse pop-jazz-latin Florence K.

Tenant moins de la révélatrice rencontre musicale que de l'expression d'une complicité qui ne faisait déjà aucun doute, cette réconfortante sélection de standards semblait avoir été préparée par Florence K, mais son déroulement, loufoque et pétillant, commandé par Natalie Choquette.

Ainsi, le répertoire faisait la part belle au great american songbook (de The Lady is a Tramp en ouverture jusqu'à Can't Help Lovin' Dat Man de Jerome Kern), avec quelques emprunts à la chanson française (Sous le ciel de Paris, La valse à mille temps) ainsi que des concessions au répertoire lyrique ou opératique, histoire de bien mettre en valeur les cordes vocales de maman.

Somme toute, pas de surprise ni d'audace, mais un programme conçu pour plaire à tous et dont chaque élément était lié par le thème de la quête de l'homme idéal - c'est dans le titre du spectacle, lui-même emprunté au classique de Gershwin. Il suffisait alors d'emballer le concert d'un peu d'originalité. Grâce à la mise en scène de Brigitte Poupart, sans artifices mais bourrée de bonnes trouvailles, on peut dire mission accomplie.

Soirée charmante et racoleuse

Après les introductions d'usage de la part du président fondateur, Alain Simard, les femmes ont difficilement brisé la glace. Sise à son piano, Florence a entamé la soirée en interprétant un medley instrumental des grands thèmes musicaux qui allaient nous être offerts pendant la soirée. Mademoiselle K a ensuite pris le bras de la Lady is a Tramp, alors que sa mère l'a rejointe côté cour, où on avait disposé un canapé à son attention. Ces deux beaux timbres de voix génétiquement similaires se chevauchaient, mais le résultat a déçu, alors que le crooning paraissait approximatif et le ton, pas vraiment juste.

Ce n'était heureusement qu'un rare faux pas (la nervosité de la première?) dans cette soirée charmante et racoleuse, et beaucoup plus juste sur le plan vocal - on ne se serait pas satisfait de moins, quand même! Les arrangements signés Florence et Scott Price (son orchestre discrètement campé au fond de la vaste scène) se sont avérés prudents, mais quelquefois fort inspirés, comme pour La valse à mille temps, numéro athlétique au cours duquel maman et sa fille ont joué à la chaise musicale sur le banc de piano, s'échangeant le micro pendant les couplets.

Chacune des musiciennes a eu son moment pour briller en solo: Florence K nous a offert une interprétation sentie de l'immense I Rather Go Blind, alors que Natalie Choquette a provoqué autant de frissons pendant l'aria La Mamma Morta, en deuxième partie, que de fous rires à d'autres occasions. Elle était simplement craquante, affalée sur son canapé, pendant J'ai deux amours, alors que sa fille, grillant nonchalamment une (fausse) cigarette, pianotait d'une seule main.

Même si elles n'étaient pas inscrites à l'affiche, les invitées-surprises n'ont pas dû surprendre qui que ce soit: vers la fin de la seconde partie, les filles de Florence sont apparues, et tout le clan Choquette s'est payé la traite sur un entraînant medley de Chattanooga Choo Choo Train/Boogie Woogie Bugle Boy.

Passant par toute la proverbiale gamme des émotions, le duo mère-fille a concocté un joli petit concert, mêlant les styles - bossa-jazz, blues, chanson d'après-guerre - rendus avec élégance, humour et tendresse, craquant de nombreux sourires dans cette salle quasi pleine. Première réussie.