Dès que sa silhouette de beau Lucky Luke habillé de noir à la Johnny Cash s'est pointée sur scène, la salle a reconnu Roch Voisine, qui présentait hier la première de sa tournée québécoise à la salle André-Mathieu à Laval. Une première solide, chaleureuse et toute country, où les classiques du genre se sont succédé, de Willie Nelson à Dolly Parton et John Denver... avec même une pointe de Paul Daraîche et de Gerry Joly pour l'occasion.

Car ce spectacle, qu'il a créé et beaucoup promené en France, est inspiré des deux premiers albums de sa série Americana, où il reprend les chansons country les plus populaires (un seul de ces disques est offert pour le moment sur le marché québécois, déjà vendu à plus de 80 000 exemplaires). Ça tombe bien, plusieurs de ces chansons ont été adaptées en français (merci, Joe Dassin), et c'était fort agréable de les entendre en version bilingue.

Une grande partie du plaisir de ce spectacle tient au fait que ces chansons, que nous connaissons tous (Crazy, Ring of Fire, If I Were A Carpenter...) sont interprétées avec une pointe d'actualisation, des arrangements rock et beaucoup de fougue par les huit très bons musiciens qui accompagnent Voisine (Tommy Gauthier au violon, Réjean Lachance et Christian Péloquin aux guitares, etc.), et que lui-même est heureux de les chanter, d'en expliquer la provenance (c'était bien, rappeler qu'Always On My Mind a été écrite par Willie Nelson avant d'être popularisée par Presley). Malgré l'indéniable nervosité due à une première, le chanteur était plutôt à l'aise, plus naturel qu'on ne l'a déjà vu, capable de rétorquer quand une spectatrice l'a interpellé, très en voix, souriant et, comme toujours, fort élégant.

Mais c'est quand il a laissé tomber la veste en deuxième partie que Voisine s'est franchement décrispé et a embarqué tout le monde dans le train du country-rock - y compris dans des chansons un peu hors «rail», comme Life Is A Highway, que ses deux petits garçons adorent à cause du film Cars.

Très souvent à la guitare et même brièvement à l'harmonica (qu'il a appris en l'honneur de Neil Young, dont il reprend joliment Heart of Gold), Voisine offre un spectacle où rien ne rappelle son époque Hélène et tout est fait pour que la musique occupe la première place. À ma voisine de siège qui s'étonnait qu'il ne bouge pas beaucoup sur scène (pas grave, le bassiste twiste pendant You Can Never Tell!), il a fallu expliquer que c'est un «trip musical», ce spectacle. Spectacle qui gagnerait parfois à passer au mode «moins tous les instruments en même temps», pour que nos oreilles ne saturent pas sous le country rock, mais c'est affaire peut-être de sonorisation.

Le public assez sage d'André-Mathieu a fini par lui aussi se détendre et danser, chanter, taper des mains avec enthousiasme, surtout pendant City of New Orleans, Ring of Fire, Pretty Woman (l'une après l'autre), puis au rappel Perce les nuages (de Paul Daraîche), Jean-Johnny Jean, I'm a Believer et Johnny B. Goode. La tournée se poursuit un peu partout au Québec, avec un arrêt le 3 juin au Centre Bell. Et s'il faut en croire cette première, Country Roch Voisine a tout ce qu'il faut pour conquérir l'«Americana».