La salle Wilfrid-Pelletier de près de 3000 sièges était comble hier soir pour le véritable début de la 77e saison de l'Orchestre symphonique de Montréal et on annonce de nouveau «complet» pour la reprise dimanche prochain, 14 h 30.

Parmi les facteurs qui expliquent ce gros succès d'assistance, le premier est incontestablement ce titre qui fait toujours courir les foules: Carmina Burana. La fameuse cantate profane de Carl Orff fait partie d'une trilogie, mais on ne donne jamais les deux autres volets, qui n'offrent pas la même force rythmique et la même invention mélodique.

Orff a groupé là des textes libertins écrits par de bons moines du XIIIe siècle et retrouvés au monastère de Benediktbeuern (ou Benediktbeuren), en Bavière. La plupart sont en latin, d'où le titre en cette langue, qu'on peut traduire par «Chants de Beuern» (ou «Beuren»). Plaisirs de la nature, du vin et de la chair sont clamés ici par un grand choeur mixte et un orchestre fort en percussions; un petit choeur d'enfants s'y ajoute dans le tableau amoureux qui suit en contraste celui de la taverne. Trois voix solistes aux interventions très espacées complètent la scène. Des surtitres permettent au public de suivre le texte.

Jacques Lacombe avait dirigé Carmina Burana à l'OSM en 2005 et le reprend cinq ans plus tard. Dirigeant encore une fois le concert entier de mémoire, il soulève choeur et orchestre avec un dynamisme qui gagne toute la salle et provoque à la fin une ovation fracassante. Encore une fois, Carmina Burana produit son effet. On peut émettre des réserves sur l'oeuvre; on a même le droit de la trouver un peu vulgaire... Je résumerai ainsi: ce n'est pas de la grande musique, mais ce n'est pas de la mauvaise musique et, surtout, ce n'est pas de la musique ennuyeuse, comme il y en a tant!

Le baryton a ici la part du lion et Étienne Dupuis fut à la hauteur de la tâche, projetant une bonne voix, jouant parfois sur deux registres, soulignant la truculence du texte et livrant celui-ci sur le ton d'improvisation indiqué par Orff.

Je n'ai pas retrouvé chez Aline Kutan ce timbre étincelant qui habituellement caractérise sa voix. Quand même, elle a chanté brillamment et atteint sans effort les notes très élevées de la partition.

On avait confié au Français Jean-Francis Monvoisin le très bref solo de ténor, cette complainte du cygne rôti qui tient en trois phrases et comporte trois contre-ré. Le visiteur atteignit les trois notes de justesse.

Avant l'entracte, Lacombe apporta puissance et délicatesse à un Ravel, la deuxième suite de Daphnis et Chloé, où Timothy Hutchins, l'un des piliers de l'OSM, joua le solo de flûte avec sa précision des grands jours.

En début de concert, Lacombe informa le public qu'il dédiait la soirée à Jacques Hétu dont il avait programmé l'une des toutes dernières oeuvres, Sur les Rives du Saint-Maurice, après en avoir assuré la création et la reprise dans quelques villes. Il s'agit d'une autre partition richement orchestrée du regretté compositeur, mais qui n'ajoute rien à son prestige. Cela est beaucoup trop long (16 minutes) pour un contenu qui rappelle la musique de film et les pages descriptives de Copland, Nielsen et quelques autres.

La veuve du compositeur, Jeanne Desaulniers, assistait au concert.

______________________________________________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL, CHOEUR DE L'OSM (dir. Catherine Bolzinger) et PETITS CHANTEURS DU MONT-ROYAL (dir. Gilbert Patenaude). Chef invité: Jacques Lacombe. Solistes : Aline Kutan, soprano, Jean-Francis Monvoisin, ténor, et Étienne Dupuis, baryton. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts (Concerts Air Canada). Reprise dimanche, 14 h 30 (Dimanches en musique).

Programme:

Sur les Rives du Saint-Maurice, op. 78 (2008-09) - Hétu

Suite no 2 de Daphnis et Chloé (1913) - Ravel

Carmina Burana, cantate profane avec choeur et trois voix solistes (1935-36) - Orff