Isabelle Boulay n'a jamais eu froid aux yeux. Elle l'a encore démontré jeudi soir, lors de la première de sa tournée Comme ça me chante: contrairement à tout le monde, elle a décidé de «casser» son spectacle à Montréal plutôt qu'en région, en plein mois d'août et qui plus est, dans une salle qui n'a rien de formel, c'est-à-dire La Tulipe, rue Papineau.

Cela a dû lui rappeler - et le fera de nouveau ce soir et demain - ses débuts dans les «clubs»...

Au début, ses fans (un peu moins nombreux que d'habitude) semblaient même un peu intimidés par cette chaleureuse salle où on peut prendre un verre en regardant le show: on était loin des sièges tout en rangées avec des placiers. Leur malaise n'a toutefois pas duré longtemps car Isabelle Boulay s'est chargée de leur faire passer une méchante belle soirée. Comme ça lui chante, c'est vrai, mais ça tombe bien, elle chante comme pas deux, cette fille, Seigneur. On n'est pas pour se plaindre!

C'était particulièrement intéressant de le constater dans ce spectacle qui n'est pas conçu en fonction de la promotion d'un album. Isabelle Boulay interprète bien quatre chansons de son plus récent disque Chansons pour les mois d'hiver (2009) et une couple tirées de De retour à la source (2007). Mais dans cette tournée, elle exerce surtout le noble métier d'interprète de talent: elle chante surtout des chansons qu'on connaît déjà, mais qu'on n'a jamais ou presque entendu chantées par Isabelle Boulay.

Or, soyons sérieux: une chanson digne de ce nom ne peut que rêver d'être interprétée par une telle voix, un tel timbre et un tel tempérament. En tout cas, jeudi soir, les chansons brillaient toutes de mille feux sonores et émotifs, magnifiées un peu plus par la voix unique d'Isabelle Boulay: que ce soit des classiques du western (Vole colombe et Tennessee Waltz), un morceau de Richard Desjardins (Jenny) ou de Daniel Lanois (Oh! Marie et Jolie Louise), des airs de Michel Rivard (Schefferville, le dernier train) ou de Linda Ronstadt (superbe interprétation de To Know Him Is To Love Him), Crazy de Patsy Cline ou Marjolaine de Zachary Richard, toutes volaient un peu plus haut. Y compris une reprise tout à fait inattendue de Lettre à un cowboy, que Daniel Deshaime avait écrit pour Mitsou à l'époque de Bye bye mon cowboy. Sans rire, c'était vraiment beau!

Et que dire de sa version de Dis quand reviendras-tu de Barbara, sinon que ma soeur Hélène, super fan de la dame en noir, n'aurait rien trouvé à y redire, au contraire? Il y en a eu comme pendant deux heures, sans entracte. Le spectacle s'est terminé avec bonheur sur L'amitié popularisée par Françoise Hardy, dans une salle qui vibrait d'émotion et de plaisir.

Surtout que, à mesure que la soirée avançait, Isabelle Boulay oubliait peu à peu sa nervosité et se laissait aller, faisant un peu fi de la mise en scène (par ailleurs de très bon goût) signée Yves Desgagnés. Vêtue d'abord d'une robe mi-princesse mi Far-West (et de «bottines de Fifi Brindacier» a-t-elle lancé), puis d'un ensemble pantalon, elle était avec sa gang de musiciens et sa gang de spectateurs, toute au plaisir de chanter et de danser. Car la belle rousse de 38 ans danse beaucoup dans ce spectacle, sur un socle circulaire, autour duquel ses quatre excellents musiciens sont assis.

Que ce soit le guitariste Éric Sauviat (guitariste qui a travaillé aussi bien avec Zachary Richard que Daran), le batteur et guitariste Michel Roy, le violoniste-accordéoniste Francis Covan ou le directeur musical et guitariste Martin Bachand (beaucoup de cordes pour servir d'écrin aux cordes vocales de Miss Boulay, on l'aura compris), ils sont tous de grand calibre et que ça ne va aller qu'en augmentant au cours des nombreuses dates de la longue tournée (jusqu'en décembre).

La chanteuse les a d'ailleurs présentés dès la troisième chanson et chacun a eu son moment fort: Éric Sauviat pendant l'ouverture instrumentale atmosphérique Mieux qu'ici-bas (seule «ancienne» chanson du spectacle) et pendant Guitare et Cadillac, Covan et son violon pendant, Crazy, Michel Roy aux voix pendant To Know Him... et Martin Bachand pendant Dis quand reviendras-tu. On le répète, méchante belle soirée, où Isabelle Boulay fait comme ça lui chante en chantant.

Isabelle Boulay vendredi soir et samedi à La Tulipe, puis en septembre à Laval, L'Assomption, Sainte-Thérèse, Rivière-du-Loup, etc. Infos billets: isabelleboulay.com