On imagine aisément qu'une première médiatique puisse être source d'angoisse pour un artiste. Celle de Kevin Parent, hier soir au Club Soda, devait alors être franchement stressante, pour les raisons que l'on devine. En dépit de cette publicité dont il se serait sans doute passé et de sa fragile condition physique, Parent a offert à des fans empathiques un concert honorable, à défaut d'être mémorable.

Par définition, les premières médiatiques attirent la faune journalistique. Mais les représentants des médias étaient particulièrement nombreux hier, dressant même un barrage de caméras au fond du parterre pour ne rien manquer de cette rentrée montréalaise pas comme les autres.

Or, elle fut sans histoire, cette rentrée. Oh! il y a bien eu ce gros chien noir venu flâner sur scène alors que Parent (son maître, on suppose) offrait quelques chansons, seul à la guitare et harmonica au cou, durant la première partie du spectacle, ce qui a déclenché les murmures de la foule... Autrement, le musicien plongé dans la controverse a fait sien le vieil adage du milieu: The show must go on.

Sitôt monté sur scène, peu avant 21 h, Parent et ses musiciens ont fait résonner Besoin d'amour, blues rock assez bien envoyé, extrait de son plus récent disque. Sans prendre une pause, Chevaux sauvages, à peine plus douce, a été enchaînée, puis la groovy Wonky Tong. Il a ensuite marmonné quelque chose qui nous a échappé, ses premiers mots adressés à son public, avant de ravir celui-ci avec son succès Fréquenter l'oubli.

Dans sa bulle

D'emblée, Kevin Parent paraissait pas tout à fait là, ou en tout cas pas vraiment encore avec nous. Dans sa bulle. Il l'est toujours un peu, direz-vous si vous l'avez déjà vu sur scène, mais cette fois, on ressentait une certaine prudence dans cette façon d'occuper discrètement la scène, de se tourner souvent vers ses musiciens. Peu bavard durant toute la soirée (là encore, il n'a jamais été reconnu pour ses discours...), Kevin Parent a pourtant réussi à se dégourdir, surtout en deuxième partie.

Les meilleurs moments de ce concert mal ajusté sur le plan des enchaînements de chansons ont été ceux où les tonitruantes guitares se taisaient - vous auriez dû entendre cette version, presque méconnaissable, de son succès Seigneur, balancée toutes guitares devant, gracieuseté des Porn Flakes, son nouvel orchestre de tournée!

Si, en deuxième portion de soirée, Parent semblait avoir un peu plus retrouvé son aplomb, les effusions de blues rock mal taillé ont banalisé le reste du programme. D'une chanson à l'autre, les amplis chauffaient, sans personnalité, sans originalité.

Toutefois, si cette première était pour lui un défi, alors il l'a surmonté. Le spectacle était inégal, mais dans les circonstances...

Spectacle reporté à Granby

Le spectacle que Kevin Parent devait donner à Granby ce soir a été annulé par le directeur général du Palace, Jocelyn Lemoine, ébranlé par les dernières déclarations du chanteur gaspésien.

Dans une entrevue publiée dans les journaux du réseau Gesca hier, Kevin Parent a dit être «blessé en dedans», «craintif», «mal dans (sa) peau» et qu'il ferait de son mieux pour donner un bon show (à Granby), mais a précisé: «Je n'ai aucune idée de ce à quoi ça va ressembler. Je suis juste pas là.»

«Je suis loin de la rémission complète», a-t-il continué en faisant allusion à sa récente commotion cérébrale, subie à la suite d'une altercation à Québec, le 12 février. «J'ai juste le goût de tout laisser tomber, de changer de pays, de changer de nom.»

Inquiet, le directeur général du Palace a téléphoné au producteur du chanteur pour lui demander de reporter le spectacle de ce soir au 18 juin prochain. Il lui a fait parvenir une copie du quotidien La Voix de l'Est pour appuyer sa décision.

«J'aime mieux reporter le spectacle pour être sûr que ça va bien aller», a expliqué M. Lemoine hier matin.

Surpris

La décision d'annuler et de reporter le spectacle de Kevin Parent a grandement surpris Éric Allain, directeur de la promotion de la maison de disques du chanteur, Tandem.mu. La maison de disques n'a rien à voir dans cette décision, a-t-il insisté en entrevue. «Je me dis que s'il fait le show au Club Soda ce soir (hier), il pourrait faire celui de Granby, a précisé M. Allain. On vit une heure à la fois, ces jours-ci. On savait qu'il n'allait pas très bien, mais je suis d'une nature confiante alors je me dis oui, ça va passer.»

- La Voix de l'Est