Homme idéal? Québécois idéal? Chanteur idéal? Pour beaucoup de jeunes femmes, pas mal certain que oui. Pour beaucoup de jeunes hommes itou, il est un modèle à suivre... même si les gars ne le diront pas trop fort. En tous points, Vincent Vallières est au-dessus de la moyenne, force est de conclure au terme de sa prestation au Métropolis, donnée un jeudi soir de février devant une salle comble.

Il n'est pas crispé, le mec. Sur scène, il a de l'humour, il a de l'esprit, futé à n'en point douter. Il aime raconter ses souvenirs de hockey, la coupe remportée par le Canadien en 1986 son premier joint fumé dans le parc d'à côté, des histoires vécues par tous les gars d'à côté.

Il aime aussi les sorties côté absurde, notamment ce récit du troisième type en «panel» sur la 138; Éric Salvail y apparaît dans la nuit, dans «l'interstice du temps». Rien de moins!

Il aime impliquer ses potes musiciens dans ses histoires, leur attribuer des rôles capotés en cette période olympique qui s'amorce: André Papanicolaou se retrouve alors dans une équipe de hockey grecque, Olivier Langevin fait dans le patinage artistique et se voit exclu de la haute compétition... pour une «sombre histoire de dopage»! Et la salle de se bidonner.

Vincent Vallières est bien assez fantaisiste pour qu'on ne craigne jamais de s'ennuyer en sa compagnie. Il est bien assez Québécois pour résumer pertinemment les comportements de ses semblables qui constituent son public: francophones, blancs, assez éduqués, issus de toutes régions, quelque part entre 18 et 28. Il sait parler de leurs vies. Leurs déplacements sur les routes glacées. Leurs saisons chaudes, tièdes ou froides. Leurs réflexions sur l'existence. Leurs accrocs, leurs épreuves, leurs souvenirs d'amours brisées.

Vincent Vallières a bien saisi l'imaginaire québécois dans lequel il aime se plonger. Il maîtrise bien assez son français pour atteindre un équilibre consonnant entre la langue familière et l'universelle.

Qui plus est, l'homme est bien assez sensible pour ouvrir son coeur, dire à sa douce «qu'on va s'aimer encore» et faire en sorte que ça se produise pour de vrai. Bien assez équilibré pour terminer son spectacle à l'heure où tant d'autres commencent.

Vincent Vallières n'est peut-être pas une bête de scène mais il donne un bon spectacle. Pas de flafla, pas de films d'animation en toile de fond, pas de pétards, pas de multimédia, pas de sparages autour du pied de micro.

Un band compétent, un son cohérent, une approche sincère, assez straight somme toute. Sans réinventer la roue, l'auteur-compositeur-interprète nous sert du bon folk rock de ce continent, mijoté dans la plus pure tradition americana. Post-dylanesque, sa musique aurait pu être composée en 1968 ou en 1974 ou en 1982. Avec des guitares, une basse, une batterie, de l'harmonica, des choeurs de gars, un bon guitariste soliste - l'omniprésent Olivier Langevin, parfaitement adapté au contexte. Des passages folk, des insertions bluegrass, du country rock, quelques pointes plus indies. Des hou hou hou et des han han han que reprennent surtout les filles au parterre. Tout ce qu'il fait musicalement, on le connaît.

Non, Vincent Vallières ne repartira pas avec l'une d'elles... qui le trouvent idéal. On l'imagine plutôt se retrouver en famille après son spectacle, heureux de s'y retrouver.

N'allez pas croire que je le trouve moche. Banal. Ennuyeux. Vincent Vallières n'est pas un être fade, il n'incarne en rien le petit fonctionnaire crispé ni le golden boy exubérant. En fait, je crois que cet artiste écrit au-dessus de la moyenne des paroliers, qu'il a une dégaine littéraire qui lui est propre. Qu'il a le sens de la parole, des mots qui coulent et qui se collent à la syncope.

Cette maîtrise étant acquise, est-on en droit d'attendre les grandes surprises?