Si Van Morrison a plusieurs personnalités musicales, celui qui s'est pointé à la salle Wilfrid-Pelletier hier soir était plutôt du genre introspectif. On a reconnu l'artiste unique né à Belfast dans une famille de souche écossaise qui nous a donné au fil des décennies quantité d'albums aux longues et belles méditations faisant écho à ses intérêts spirituels, poétiques et musicaux. Rien à voir, ou si peu, avec celui, plus dynamique, plus ludique, plus rieur et presque volubile (oui, oui, je vous jure!) que j'ai vu à New York en février dernier et qui prenait un plaisir manifeste à jouer avec ses musiciens.

Pourtant, le noyau du concert était le même: l'album Astral Weeks, un disque visionnaire et audacieux, passé presque inaperçu à sa sortie en 1968 et considéré depuis comme l'une des grandes oeuvres de l'histoire du rock. Un disque de petites vignettes en forme de mantras sur lesquelles la voix chaude de Morrison s'amuse à improviser. Mais alors que le concert new-yorkais comprenait une première partie de 14 chansons parmi lesquelles certains des plus grands succès de Van the Man (Domino, Moondance, Wild Night, Jackie Wilson Said, And It Stoned Me, Listen To The Lion et j'en passe) et durait plus de deux heures, celui d'hier, joué d'un trait et pas mal plus court, boudait les chansons les plus connues, sauf Brown-Eyed Girl servie à la va-vite après cinq minutes de spectacle.

Van Morrison s'est toujours laissé guider par son intuition, par ses humeurs. Hier, il a véritablement construit sa soirée avec des pièces dans la continuité de celles d'Astral Weeks, privilégiant les hymnes et les chansons aux considérations métaphysiques de son répertoire, moins populaires. Pour l'unité de ton, c'était impeccable. Fair Play et The Mystery, jouées l'une à la suite de l'autre, étaient de la trempe des longues transes musicales dont Morrison a le secret, et dans lesquelles il nous entraîne, sa voix unique nous guidant dans les montées comme dans les descentes.

Après six chansons seulement, Morrison et ses neuf musiciens - il en avait davantage en début de tournée - ont tout de suite plongé dans Astral Weeks. C'était beau, évidemment, intense par moments, mais moins dynamique, moins inspiré, moins convaincant que ce que nous ont donné à entendre le CD et le DVD du concert enregistré au Hollywood Bowl, l'an dernier.

Après Madame George, la dernière chanson de l'album culte, plutôt que de nous servir le rock de Gloria et Mystic Eyes en rappel, Morrison est resté sur scène et n'a pas dérogé de son plan de match. Il nous a d'abord servi And The Healing Has Begun, puis a décidé au dernier moment de conclure sur On Hyndford Street, sorte de méditation sur ses souvenirs de jeunesse, plus récitée que chantée, sur une musique atmosphérique.

Ainsi prenait fin, après 100 minutes, un concert de Van Morrison pas tout à fait comme les autres. Fort beau, mais pas transcendant.