Hasard ou coïncidence? Alors que s'amorçaient les festivités de M pour Montréal, dont l'objectif premier est d'attirer les investisseurs étrangers (manière de dire), deux formations bien en vue de la scène indie rock anglophone montréalaise proposaient de leur côté leur propre petite vitrine. Hier soir, le Sam Roberts Band et The Stills ont tenu l'affiche au National pour le premier d'une série de trois concerts.

C'était pour ainsi dire la soirée des cols bleus, et l'exemple de ces deux formations pourrait inspirer pas mal de groupes québécois émergents. Sauf erreur, The Stills donnaient même un concert chez nous, fin septembre, et cette seconde escale de la saison témoigne d'un calendrier de tournée chargé, autant que celui du Sam Roberts Band.

 

Ces dernières années, les deux formations n'ont jamais perdu de vue leur objectif, le même que celui de tous ces groupes réunis au programme de M pour Montréal: dépasser les frontières de la province, séduire les publics américain et européen, se faire un nom qui dure, album après album. Or, tous deux ont connu une ascension similaire. Des premiers albums qui ont fait du bruit, ici et (un peu) ailleurs: Logic Will Break Your Heart des Stills, et We Were Born in a Flame de Sam Roberts, tous deux parus en 2003. Puis, une suite plus ardue, des albums qui ont un peu déçu. Si la valeur d'un groupe se mesurait à sa détermination, les deux groupes de cols bleus de l'indie rock feraient déjà la tournée des stades.

Le National, aussi sympathique soit-il, est bien loin d'être un Zénith ou un Yankee Stadium, mais The Stills, qui a ouvert la soirée, ont démontré qu'ils n'y étaient pas arrivés non plus. Peut-être était-ce la fatigue d'une tournée qui n'en finit plus? Toujours est-il que les cinq membres du groupe ont d'abord semblé jouer sur le pilote automatique, enfilant leurs chansons avec une intensité qui semblait télégraphiée selon l'ambiance des morceaux. La performance était pourtant fort bien rodée, et le matériel de leur plus récent album, Ocean Will Rise, aurait dû fournir au groupe le carburant rock pour filer droit au but.

Les guitares étaient croustillantes, le synthétiseur un peu trop absent, écrasé derrière la distorsion, mais le son des Stills, qui puise principalement dans la tradition britannique du rock indé des années 80, prenait une belle forme sur scène. La brutalité mélodieuse d'une Eastern Europe (servie en ouverture), d'une Snow in California ou la force d'évocation de l'accrocheuse (un peu trop facilement, cependant) Hands on Fire auraient dû faire le travail.

La performance du Sam Roberts Band nous a ensuite permis d'y voir plus clair à propos des Stills. Tout aussi rompus aux concerts en chapelet, Sam Roberts et ses musiciens ont totalement transcendé la scène, offrant là un concert puissant, engageant, passionné.

Roberts a de meilleures chansons que ses confrères et, surtout, une présence scénique irréprochable. The Stills est un bon assemblage de musiciens; le Sam Roberts Band, lui, est parfaitement soudé, malaxant les influences rock du Sud des États-Unis et le psychédélisme suintant de la côte Ouest, ajoutant à l'occasion quelques éléments de modernité à cet ensemble qui jamais ne paraît trop référentiel ou vieillot.

Le premier tiers du spectacle s'est fait sur les chapeaux de roues, avec juste assez de guitares pour que les compositions prennent leur élan sans s'alourdir. Tirées du récent album, Love at the End of the Road (en ouverture), Lions of the Kalahari et la puissante Up Sister, cadencée par un jeu de batterie soûlant, ont galvanisé le public.