Le rockeur américain Lenny Kravitz était de passage au Centre Bell dimanche soir, sa première scène montréalaise en près de 10 ans, a-t-il souligné au cours de son tour de chant mêlant rock, funk et ballades.

Un peu plus de 7000 fans s'étaient réunis pour accueillir le rockeur nostalgique dont l'oeuvre cite et célèbre la musique populaire américaine et britannique des années 60 et 70.Premier constat: si Lenny Kravitz a réussi à faire salle presque comble dans le Centre Bell configuré façon théâtre, le musicien n'est pas arrivé à renouveler son auditoire. Dans la salle, des férus de rock classique et de funk robuste, des fans de la première heure - les débuts de Kravitz sur disque remontent à 1989 -, mais fort peu de jeunes, dont on se demande d'ailleurs s'ils ont une idée du travail de cet artiste.

Cela étant dit, les fans réunis dimanche étaient particulièrement ravis de voir cette machine scénique à l'oeuvre. Kravitz, ses musiciens et sa poignée de succès ont offert une performance en montagnes russes, aussi bigarrée que ses propres influences musicales, et un peu trop portée sur les ballades à notre goût.

Ce n'est pourtant pas ce qui se laissait deviner à l'entendre mordre dans Bring it On, première chanson de la soirée, extraite du récent album It Is Time For a Love Revolution. Un funk rock vicieux et brutal, le batteur comme un marteau piqueur, et la star, sa rutilante guitare Flying V au cou, totalement possédée par l'atmosphère électrique qui régnait dans l'aréna.

Une fois la tempête blues rock passée, Kravitz a profité d'un passage plus calme pour revisiter quelques vieilles chansons, Always on the Run, Dig In et la jolie ballade façon «Philadelphia Soul» It Ain't Over. Puis vint la nouvelle Dancin' Til Dawn, et l'une des audaces les moins payantes de la soirée.

Dancin' Till Dawn, sorte d'hommage au funk blanc du Steve Miller Band (beaucoup plus réussi sur scène que sur disque, d'ailleurs), s'est transformé en un long jam improvisé, avec Kravitz jouant les chefs d'orchestre, donnant des ordres à ses solistes, révélant le génie de certains - son guitariste était particulièrement solide - et les faiblesses des autres. Sa section de cuivres n'est pas spectaculaire. Et sa section rythmique plutôt défaillante: le solo du bassiste était quelconque, et le batteur sans aucun éclat.

Mais l'intention comptait, et celle qui animait Kravitz semblait révélatrice. Déjà un fameux showman, le rockeur paraissait vouloir montrer autre chose que la surface de ses bonnes chansons, travestissant la beatlesque ballade Be en un autre interminable jam, essayant de faire d'une torch song à numéro (Stillness of Heart) une symphonie pop épique. Saluons le geste, mais déplorons le résultat, qui frisait l'ennui.

Après tout ça, le public a fini par bondir de son siège pour American Woman, les mémorables Fly Away et Let Love Rule puis, au rappel, Are You Gonna Go My Way.

Interprétations concises et emphatiques de la part d'un Kravitz qui s'est donné sur scène comme s'il n'allait pas revenir nous visiter avant encore 10 ans.