L'Halloween est arrivée à Montréal deux semaines plus tôt que prévu. Hier soir, au Théâtre Saint-Denis, Vincent Furnier, alias Alice Cooper, a offert une performance qui imposait le respect.

Le père du «shock rock» est moins grotesque que certains peuvent le penser. En tous cas, moins que son confrère (et ami) Ozzy Osbourne qui, bien qu'ayant le même âge, paraît sur scène presque un siècle plus vieux... Non, Monsieur Cooper ne donne pas dans la facilité. Il y a du travail, du sérieux, dans la démarche du bonhomme, ça se voit dès l'intro.

 

Sur des émoluments de guitares électriques, les lumières se sont tamisées pendant qu'un projecteur éclairait par derrière un rideau masquant la scène. Par un jeu d'ombres chinoises, on voit Alice Cooper faire déjà sa première victime, lui assénant un coup de poignard. Le rideau tombe, la victime écroulée repose devant la batterie (quatre chansons plus tard, de sinistres personnages viendront la chercher en civière), et l'orchestre de poilus se lance dans No More Mr. Nice Guy - de Billion Dollar Babies (1973), classique parmi de nombreux autres classiques (I'm Eighteen, Welcome to My Nightmare, Only Women Bleed, jouées hier soir) faits de blues, de rock, de boogie et de cauchemars.

C'est ainsi qu'Alice Cooper doit être vu comme un esthète. Son souci du détail va plus loin que la chanson bien construite, la mélodie qui reste dans la tête ou le riff de guitare efficace (et terriblement bien envoyé hier soir). Tout est dans la manière d'illustrer les histoires qu'il nous chante.

Évidemment, celles-ci se terminent rarement bien, et l'illustration créée sur scène est forcément sanguinolente, brutale, mais à la fois romantique. Alice Cooper n'a pas inventé le heavy metal - son style musical est d'ailleurs plus près de celui des Rolling Stones que de Pantera, mettons - , il a plutôt contribué à façonner son imaginaire. À donner à l'épithète «gothique» une place à côté du mot «rock».

Mais cet imaginaire ne serait pas grand-chose s'il n'était pas servi par un interprète aussi passionné. Alice Cooper est autant chanteur, harmoniciste, compositeur qu'acteur, ses chansons mises en scène passent parfois pour de l'opéra-vaudeville.

Il y a changement de costume, invasion d'inquiétantes amazones, meurtre sur scène (suivi d'un solo de danse assez élaboré, gracieuseté de sa fille Calico Cooper!), arrestation du tueur puis sa mise à mort. C'est immuable, tous les spectacles d'Alice Cooper se terminent par sa condamnation; cette fois, c'était la potence, tirée sur scène par ses bourreaux! Heureusement, il nous est revenu pour la chanson School's Out et un bon rappel. Théâtral, défoulatoire, spectaculaire, le concert d'hier soir rappelait que le rock serait beaucoup plus plate sans Alice Cooper. Respect.