À 38 ans, Beck aurait-il atteint sa forme classique? La question survient à l'écoute de Modern Guilt, son plus récent album qui n'annonce ni nouveau virage ni propositions déroutantes.

Modern Guilt, sorti en juillet dernier, est un album bref: 33 minutes et 55 secondes, une dizaine de courtes chansons qui s'allongeront sûrement sur scène. Sur l'album, la voix de Beck Hansen semble se dissimuler entre les potentiomètres de la table de mixage. Hormis la participation de Cat Power aux choeurs, Modern Guilt a été réalisé avec Danger Mouse, qui s'est taillé une solide réputation avec le fameux mashup du Black Album de JayZ et de l'album blanc des Beatles.

 

Danger Mouse s'est donc retrouvé avec le mashup fait homme: Beck, docteur ès-collage (une façon de faire inspirée de son grand-père, artiste visuel féru de matériaux recyclés), à qui il a fourni des fragments de funk et de hip hop «old school» - un riff de Grand Master Flash dans Youthless, par exemple.

Cela étant, le traitement des sons n'a pas foncièrement changé l'écosystème luxuriant de Beck: rock psychédélique à la Pink Floyd, funk, pop classique, pop indie, folk cosmique, hip hop, spoken word, afro-cubain, électro. Nommez le genre, Beck l'a déjà absorbé, digéré, transformé, régurgité.

«J'écris d'abord la musique, je l'enregistre, puis je me présente devant le micro et, très rapidement, j'écris quelque chose tout en me souvenant de la mélodie. Souvent, je conserve des extraits des premières prises de cette écriture préliminaire. Je ne passe pas trop de temps à en évaluer de quoi il en retourne», a récemment confié Beck à NPR, la radio publique américaine.

Des spectacles différents

Le propos de Modern Guilt comporte d'étranges évocations, catastrophistes dans certains cas: Chemtrails , par exemple, rappelle une théorie de la conspiration voulant que des rejets d'avions à réaction serviraient à tester des armes biologiques, à renforcer le contrôle militaro-industriel sur les simples citoyens, ou encore carrément user de sorcellerie au détriment des populations. Gamma Ray est un autre exemple, un peu moins fantaisiste, de ces sombres évocations. La tentation est forte de lier ces rimes aux allégeances scientologistes de leur auteur, allégeances plutôt discrètes et ténues comme on l'a écrit à maintes reprises au cours des dernières années.

Une fois de plus, il est préférable de s'en tenir à la démarche créative de ce nouvel épisode signé Beck, dont la représentation sur scène diffère des deux tournées précédentes - celle présentée il y a trois ans au Centre Bell et celle de 2006 qui suivait l'album The Information, assortie de marionnettes interactives sur scène, et qui ne s'est pas arrêtée à Montréal.

«J'ai vraiment tenté de simplifier les choses, a expliqué Beck au magazine Pitchfork. J'ai essayé de me débarrasser de tout ce qui pouvait m'apparaître comme une astuce facile. Mais que je me retrouve sur scène après tout et que je dois faire en sorte que l'auditoire prenne plaisir au spectacle. Pendant la grande tournée précédente, nous avons mené une tournée parallèle en donnant des spectacles (annoncés à la dernière minute) dans des cafés et des petits clubs. Pas d'éclairages, pas d'équipage, pas d'équipement... les spectateurs n'avaient devant eux que mon groupe et moi, nous n'utilisions que ce dont le club disposait. Ce furent de loin les meilleurs spectacles! Chacun était libre de jouer. Nous ne sentions aucune pression.»

Il semble d'ailleurs que l'artiste n'ait pas perdu ses habitudes de la tournée précédente. En juin dernier, Beck et son groupe de quatre musiciens ont joué dans une petite boîte du Sunset Boulevard, The Echo, devant des dizaines de fans évidemment ravis d'une telle proximité. Ce qui n'empêche pas l'artiste de voir les choses en grand: à la fin de septembre, il a rempli le Hollywood Bowl, accompagné d'un grand orchestre dirigé par son paternel, David Campbell.

Un blogueur de Kansas City précise pour sa part avoir vu un spectacle d'environ 90 minutes, amorcé par Devil's Haircut, Loser et Nausea. Les chansons de Modern Guilt ne surgissaient que plus tard - septième position au concert rapporté. Les autres chansons au programme, soulignent plusieurs autres médias, ont été puisées dans le reste de son répertoire déjà vaste: Nicotine and Gravy, Devil's Haircut, The New Pollution, The Golden Age, Lost Cause, E-Pro, Cellphone's dead, Girl, Scarecrow, Where it's at... Pas moins de 23 titres ont été interprétés à Reno, Nevada, a rapporté un correspondant du Rolling Stone.

Dans un Saint-Denis, idéal pour l'approche préconisée par Beck, nous verrons donc comment il est passé à l'essentiel... et s'il a vraiment atteint sa forme classique...

Beck se produit lundi, 20h, au Théâtre Saint-Denis.