Samedi dernier, au Métropolis, bondé: Éric Lapointe est en grande forme, chante comme il ne l'a pas fait depuis un bout et les premières chansons du spectacle, tirées de son album Ma peau, sont incroyablement efficaces (surtout Toucher). Mais le plus renversant? Ce sont les nombreux fans qui vivent intensément le show. Pendant la soirée, j'ai assisté à une chicane de couple (pendant Bar Tendresse) et à sa réconciliation (sur Mon ange), vu un brave qui a tenté sa chance avec la belle fille à côté de lui (pendant N'importe quoi - ça a semblé marcher) et des gars qui se sont tenus serrés dans leurs bras et embrassés avec une vraie affection sur la chanson Les Boys. Tout ce beau monde chantait avec Lapointe.

Mardi passé, au National, bondé: les Cowboys fringants lancent leur nouvel album en public. Et si L'expédition est un disque un peu plus «calme», les Cowboys, eux, ne le sont pas. Ils offrent des versions carrément débridées de six de leurs nouvelles chansons. Devant la scène, les fans écoutent, dansent et certains tiennent leurs enfants ou bercent des poupons! Je croise même un jeune papa, une jeune maman et leurs QUATRE petits blondinets Tout le monde, à la fin, s'est mis à chanter avec les Cowboys.

 

Mercredi passé, à la TOHU, bondée: la troupe Les 7 doigts de la main présente la première de La vie. Ce spectacle splendide mêle les arts du cirque aux chorégraphies, à la musique, à la théâtralité, pour illustrer un propos qui se résume simplement: profitez de la vie pendant que vous êtes vivants. Mon voisin de siège, qui a eu énormément de difficulté à abandonner son BlackBerry, finit par succomber et tourne vers moi, à la fin du spectacle, un visage transfiguré par le plaisir et l'émotion.

Où diable veut en venir la journaliste en relatant tout cela? Elle veut simplement rappeler que l'art rend nos vies plus belles.

Or, depuis quelques années, on parle presque toujours de chiffres quand il est question d'art. Les médias consacrent toujours plus de place au budget d'un film et au nombre d'entrées, à la quantité de disques vendus, aux cotes d'écoute Les artistes parlent aussi d'argent: le très chouette clip Culture en péril ne se termine-t-il pas sur une note très économique, alors que le propos de la vidéo, c'est aussi et d'abord la censure? L'incompréhension, l'ignorance, l'indifférence?

C'est vrai que l'art, ce sont des milliers et des milliers d'emplois - y compris des éclairagistes, des chauffeurs d'autobus, des poseurs de pancartes, des graphistes, des comptables, etc. C'est vrai aussi que c'est un secteur qui génère des millions et des millions de dollars, autant de retombées économiques qui participent à la santé des villes, des régions, du pays.

Mais ce qui est vrai aussi, c'est que, tous les jours, nous profitons tous des «retombées poétiques» de l'art: en berçant un enfant ou en faisant le ménage, on fredonne; en s'assoyant enfin tranquille dans le salon, on se change les idées en regardant la télé; en sortant d'une journée de travail plate ou exténuante pour pénétrer dans une salle de spectacle, on entre dans un autre univers qui nous repose du nôtre; en embarquant dans la rame de métro pleine, on oublie la promiscuité grâce à un livre. Ce couple qui se forme pendant un spectacle de Lapointe, ces enfants que leurs parents initient aux Cowboys, ces adultes qui lâchent enfin prise grâce aux 7 doigts de la main, c'est ça qui compte.

C'est vrai, tout cela prend de l'argent. Mais cela prend aussi des spectateurs, c'est-à-dire vous et moi, qui prenons conscience de ce que l'art apporte de beauté, de répit, de rêve ou d'inattendu dans nos vies. Et qui, pour cette raison même, le soutenons.