Mais qu'attendait-elle pour nous revenir, Sheryl Crow? Pourquoi n'était-elle pas venue depuis 11 ans, alors qu'on a toujours besoin d'un show rock aussi bien fait, aussi inspiré, intelligent et funky que celui qu'elle a présenté hier, au Centre Bell?

En 1994, alors que Sheryl Crow assurait la première partie de Crowded House, au Saint-Denis, j'écrivais: «Prenez Joni Mitchell, les Beatles, les Rolling Stones, Carole King, Ricky Lee Jones et Crosby, Still, Nash&Young, tirez-en le meilleur et vous aurez Sheryl Crow.» Quatorze ans plus tard? C'est encore cela et même un peu plus, puisque que Sheryl Crow avait, hier soir, la dégaine et le charme d'une Carrie Bradshaw qui aurait troqué ses souliers pour une guitare, qui aurait survécu au cancer du sein, qui aurait passé à travers une rupture ultramédiatisée avec un certain Lance Armstrong (chacune son Big...)...

Et si on était tous vraiment heureux d'entendre quelques-uns de ses plus anciens succès très bien livrés, Leaving Las Vegas, Strong Enough (qui reste la meilleure chanson, à ma connaissance, sur le syndrome prémenstruel et la force morale nécessaire à un homme pendant cette période...), Can't Cry Anymore (mêlée à quelques mesures de I Can See Clearly de Johnny Nash), If It Makes You Happy, All I Wanna Do, on était encore plus heureux de réaliser que ses plus fortes chansons étaient tirées de son récent album Detours: Shine Over Babylon, Love is Free, Motivation, Gasoline - tellement, tellement Rolling Stones que la guitariste-chanteuse a pu y intégrer quelques paroles de Gimme Shelter.

Tout concourait au plaisir et au rock intelligent: ses excellents musiciens et choristes (huit en tout), le groove incroyable qui traversait tout le spectacle, le côté protest song de plusieurs de ses chansons, le décor très design et épuré, l'idée de mêler un peu de Walk This Way à son excellence chanson There Goes The Neighborhood, l'orgue Hammond B-3 et les percussions particulièrement bien utilisées, les éclairages superbes, la chaleur émanant de Miss Crow... Les quelque 5160 spectateurs, réunis dans l'Amphithéâtre du Centre Bell, enthousiastes et souvent debout, l'ont applaudie chaleureusement, et avec raison.

En première partie, outre Matt White (que j'ai hélas manqué), se produisait Jim Cuddy, l'un des deux meneurs du groupe canadien Blue Rodeo, venu cette fois avec son propre groupe. Le beau Jim Cuddy s'est révélé encore une fois un incroyable ciseleur de ballades country-rock fortes et senties, que ce soit One Fine Day ou la très belle Pull Me Through - et que dire de sa violoniste Anne Lindsay, sinon que son jeu énergique et sa gestuelle très expressive m'ont rappelé le claviériste Bobby Wiseman, qui fut de Blue Rodeo à ses débuts, quand le groupe était une des formations les plus merveilleusement hétéroclites qui soient... Bref, une soirée qui valait vraiment le détour. Et qui s'est terminée sur une version tout simplement renversante de Higher Ground de Stevie Wonder!