S'acheter des billets pour voir sur scène une idole d'hier, c'est un peu comme jouer à la loto. Ray Charles, à son dernier passage à Montréal, n'était plus que l'ombre de lui-même. Aznavour a encore du ressort, mais montre d'évidents signes de fatigue. Il a 88 ans, tout de même.

Et Michel Sardou, qui se produisait jeudi au Centre Bell? Il a 22 ans de moins qu'Aznavour, d'abord. Il n'en a pas la souplesse dans le geste (il arpentait sa large scène d'un pas lent et rigide), mais autrement, il a été parfaitement à son aise: drôle, charmeur, en voix et presque trop généreux...

Sa tournée actuelle s'intitule Les grands moments. Traduit en chansons, ce titre signifie que le populaire chanteur ne monte sur scène que pour gâter ses admirateurs, un peu plus de 10 000 jeudi, et interpréter ses plus grands succès. Il a d'ailleurs amorcé le spectacle avec La maladie d'amour, qui est peut-être son air le plus célèbre.

Les cordes vocales du monsieur ont soulevé une petite inquiétude lors de cette chanson d'ouverture. À l'aise dans les notes graves, il perdrait toute puissance dans les aiguës. Problème récurrent (dans Les vieux mariés, par exemple), mais mineur : c'est dans les basses que ses chansons chauffent et que se réchauffent les coeurs de ses admiratrices.

La voix a tenu le coup, donc, et longtemps : Sardou a chanté pendant plus de deux heures. Il a livré près de 30 chansons, dont la quasi-totalité de ses chansons connues de ce côté-ci de l'Atlantique : La France, Dix ans plus tôt, En chantant, Je vais t'aimer, Comme d'habitude. Sa prestation a aussi été inutilement allongée avec plusieurs titres discutables comme Être une femme ou terriblement génériques comme Rouge.

Sardou ne mise pas sur la quantité seulement en ce qui a trait au programme. Il était accompagné sur scène par pas moins de 15 personnes,  dont deux guitaristes, un quatuor à cordes et cinq choristes. C'est beaucoup pour des musiques qui, le plus souvent, demeurent dans les sentiers battus du rock de variétés. Avec ce que l'étiquette sous-entend de rythmes affectés et d'arrangements emphatiques.

Sardou a été fidèle à lui-même, donc. Ceux qui l'aiment l'ont aimé encore, jeudi. Exactement pour ça : quand on achète un billet pour voir une idole d'hier, on veut qu'elle soit comme dans nos souvenirs. Sardou a eu cette délicatesse-là.