Chansons douces, chansons tendres, avec un sourire en coin parfois, l'univers d'Ingrid St-Pierre est un espace douillet où l'on peut se promener nu pieds sans risquer de marcher sur du verre cassé. Elle a beau laisser entendre qu'elle est une fille bordélique, quand vient le temps de faire de la musique, tout est à sa place: les mélodies sont nettes, les arrangements soignés et les figures de style lustrées.

Tout cela était déjà clair lorsque, après la chanson qui a ouvert son concert de vendredi à La Tulipe, elle a interprété L'escapade, morceau instrumental qui donne son titre au disque qu'elle a publié cet automne. Ses doigts dansaient gracieusement sur la partie droite du piano, là où se trouvent les timbres les plus graciles, alors qu'un quatuor à cordes l'enveloppait avec chaleur et simplicité.

Il y a dans la manière d'Ingrid St-Pierre un je ne sais quoi qui, par moment, rappelle Lynda Lemay. Mais sans les psychodrames, sans les métaphores écrites au marqueur fluo et sans les interprétations trop appuyées. Sans le côté énervant, en somme. Elle ne cherche pas à faire rire ou à faire pleurer à tout coup, mais plutôt à apaiser. Ses airs s'élèvent comme si elle voulait dresser un mur de tendresse entre son petit cocon et le monde.

Chansons refuges? Assurément, qu'elles évoquent la douleur causée par la maladie d'un proche ou les ébats avec un amant (Les avalanches). Nostalgiques, aussi, tant elles sont marquées par une imagerie enfantine et sa voix très gamine. Sans compter ces mélodies qui affichent un sourire triste, mais laissent toujours entrevoir une pointe de soleil. Elle pourrait être une lointaine cousine d'Amélie Poulain, tiens.

L'inspiration d'Ingrid St-Pierre devra mûrir encore avant de donner des chansons vraiment marquantes. Sa jolie plume semble toutefois avoir ce qu'il faut pour débusquer ce qui se trouve sous les évidences. D'ici là, elle vogue sur scène l'âme légère. Vendredi, ses six musiciens et elle tissaient à l'unisson des motifs élégants et chaleureux dans lesquels la foule s'est volontiers laissée envelopper. Les applaudissements ont été nourris. Ils étaient mérités.

Ingrid St-Pierre est en tournée jusqu'à l'automne prochain dans toutes les régions du Québec (sans doute pas avec six accompagnateurs comme à La Tulipe, toutefois) et reviendra à Montréal en juin, dans le cadre des FrancoFolies. Dans l'intimité du Gesù, cette fois, ce qui risque de fort bien servir ses chansons fines.