Double primeur vendredi soir dernier dans ce Métropolis bondé et survolté : l'élusif auteur-compositeur-interprète r&b torontois The Weeknd offrait non seulement sa première performance chez nous, mais aussi une de ses toutes premières performances scéniques en carrière.

Et ce qu'on a vu allait au-delà des attentes : bon orchestre, sobre mais élégant habillage scénique, et la voix du chanteur qui convainc hors de l'environnement contrôlé de son studio. Ce type-là, ce n'est pas de la frime.

Il y a à peine un an, Abel Tesfaye était un parfait inconnu, et en dépit du succès de ses trois mixtapes, on pourrait dire qu'on ne le connaît pas vraiment davantage. Car Tesfaye, 22 ans, fuit les journalistes, décline toute demande d'entrevue, et les photographes « professionnels » n'étaient pas autorisés à prendre des clichés de sa performance montréalaise.

Il faudra alors se rabattre sur les vidéos filmés avec téléphones intelligents déjà sur YouTube pour s'approcher un peu du personnage, ce qui semble malgré tout dans l'ordre des choses pour celui qui a misé sur le web pour faire son nom. Avec succès : ses trois excellents mixtapes de r&b visionnaire, offerts gratuitement sur son site (the-weeknd.com), ont beaucoup circulé. Le premier, House of Ballons, figurait même au palmarès des meilleurs albums de 2011.

Avec une vingtaine de minutes de retard sur l'horaire, Tesfaye s'est pointé sur la scène accompagné d'un guitariste, d'un batteur et d'un bassiste près duquel étaient disposés quelques synthétiseurs. Les premières notes de High for This ont déclenché un tonnerre d'applaudissements, la foule entonnant en choeur les premières rimes de cette ballade d'amour désespéré, alors que l'orchestre barbouillait la rythmique d'une couche de rock.

Quelques mesures de sa reprise de Dirty Diana de Michael Jackson de son 3e mixtape, Echoes of Silence, se sont ensuite fondues dans la ligne de basse grasse et racoleuse de The Bird, pt.1 (avec images du The Birds de Hitchcock projetées sur l'écran derrière). Le petit carillon électronique qui introduit Gone (tirée de Thursday) a ensuite allégé l'atmosphère, et les fans de chanter à nouveau en choeur avec la nouvelle star.

Difficile de résister à l'appel de The Weeknd tant la performance impressionnait. Le r&b électroniquement chargé, lugubre et hanté par des textes d'amours douloureuses et de scènes de vie urbaine décadente était aussi bien rendu que sur ses mixtapes. Le groupe jouait avec assurance, aidé par les nécessaires séquences rythmiques et nappes de synthés qui confèrent le caractère si sophistiqué à la courte oeuvre du Torontois.

Lui-même se tirait assez bien d'affaire au micro, sinon avec une maladresse qui trahissait son inexpérience de la scène. Il chante généralement juste (lire : il fausse quand même) et c'est dans les notes de tête qu'il est le plus en maîtrise de sa voix. Il ne sait pas encore bien la projeter - lorsqu'il chante sur un ton plus bas, sa voix est plus faible et voyage moins bien sur le groove. Sa présence scénique est bien assumée et pas statique du tout, on dirait qu'il prend goût à rencontrer ses fans. Facile alors de s'imaginer qu'à son retour à Osheaga été, The Weeknd pourrait être un des meilleurs shows du festival.

La performance fut brève - une quinzaine de chansons en environ 75 minutes -, mais sans temps mort. Le doublé The Party & The After Party, suivie de Montréal (avec le sampling de Laisse tomber les filles), dédié à notre ville, était carrément sublime. The Morning interprétée peu après a vu Tesfaye laisser chanter la foule pendant presque la moitié de la chanson. Une finale plus hop-la-vie, avec House of Balloons - Glass Table Girls et Loft Party nous a laissé sur note nettement plus énergique, puis Tesfaye est revenu chanter une version acoustique de Wicked Games en guise de rappel.

Fameux. Le genre de concert dont on ressort avec l'assurance d'avoir été au meilleur endroit, au meilleur moment en ville en ce vendredi soir.