Bien que pas très fort en chiffres, je sais un peu compter. La semaine dernière, je notais le prix énorme inscrit sur mon billet de concert OSM: 91,14 $. Cette fois, le prix est encore plus élevé: 102,53 $, soit plus de 100 $. Pour monsieur et madame, c'est 200 $, plus la gardienne, plus le stationnement, et quoi encore.

On me dira obsédé par le prix de certains billets de concert. Je ne parle pas en mon nom, ces billets étant offerts aux représentants de la presse. Je pense aux gens qui, eux, paient leur admission. Bien sûr, les prix varient selon l'endroit de la salle où l'on est placé. Il reste que, dans le cas présent, beaucoup de spectateurs ont payé 102,53 $ pour entendre Marc Hervieux chanter pendant... 32 minutes. Et encore, pas tout à fait puisque le populaire ténor a parlé au public -- son public -- pendant plusieurs de ces 32 minutes.

Le produit annoncé était pourtant bien indiqué sur ledit billet: «Soirée italienne avec Marc Hervieux». Le client s'attendait donc à ce que l'invité chante pendant une bonne partie du concert, disons 45 minutes, et qu'il accorde au moins un rappel. Vain espoir. Le concert était de la durée habituelle, soit deux heures, entracte de 20 minutes compris. M. Hervieux a fait ses 32 minutes, il n'a pas donné de rappel, et plus de la moitié du temps était occupée par l'orchestre seul.

Indépendamment de ces considérations -- sur lesquelles il y a quand même lieu de réfléchir --, ce fut un fort bon concert. La salle de 2 000 places était comble, tout comme vendredi matin (le concert figurait dans deux séries différentes de l'OSM). Notre «ténor national» a chanté sept pages d'opéras italiens: la Romanza di Federico de L'Arlesiana de Cilèa, les fameux Sanglots de Pagliacci, le «De' miei bollenti spiriti» de La Traviata, les deux airs de Cavaradossi dans Tosca et deux autres Puccini, de Madama Butterfly et Turandot.

Pour l'ensemble, on peut dire que Marc Hervieux était en forme. Il a projeté sa voix de stentor avec toute la puissance dont il était capable, y compris au plus aigu de la tessiture, et il a apporté à tout ce qu'il chantait l'émotion la plus totale, à la manière des grands ténors de l'histoire. Un tel don de soi rejoint le public, et je partage tout à fait cet enthousiasme collectif. En même temps, j'ai noté ici et là une certaine fatigue vocale chez lui. L'exemple le plus cruel fut la cabalette de l'air de La Traviata: il y connut un ou deux petits ratés et dut, sur-le-champ, terminer à l'octave inférieure. Ce qui, pour un ténor, est assez humiliant.

Le chef invité l'a bien secondé partout. Son nom: Carlo Rizzari. Le programme nous rappelle que cet adjoint d'Antonio Pappano fut aussi l'assistant de Kent Nagano pour la Norma du mort-né Festival de Knowlton en 2008. Petit mais très énergique, M. Rizzari a obtenu de l'OSM des exécutions à la fois tonitruantes et étonnamment subtiles des deux célèbres poèmes symphoniques de Respighi, Fontane di Roma en début de concert et Pini di Roma en conclusion, et de magnifiques lectures de diverses pages d'opéras, entre autres de la Danse des heures de La Gioconda de Ponchielli, que j'ai rarement entendue aussi détaillée et aussi irrésistible. M. Rizzari a cependant ignoré les pizzicati que Verdi prescrit dans l'air de La Traviata et ignoré l'indication de Respighi, «le plus lointain possible», pour la trompette d'arrière-scène dans Pini di Roma.

__________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL.

Chef invité: Carlo Rizzari.

Soliste: Marc Hervieux, ténor.

Samedi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Série «Les Grands Samedis OSM».