Jane Birkin a tellement chanté Serge Gainsbourg à toutes les sauces qu'elle n'avait pas le goût de donner une autre fois, pas même en cette année où tout le monde célèbre les 20 ans de la disparition de son Pygmalion. Puis il y a eu cette rencontre fortuite avec quatre musiciens japonais quand elle est accourue pour faire sa part dans ce pays frappé par la catastrophe en début d'année.

On a beau la croire sur parole ou même l'avoir vue sur le web chanter à Tokyo en avril dernier, on n'a même pas idée à quel point ce nouveau mariage des chansons de Gainsbourg chantées par Birkin avec des musiciens japonais est réussi. Au Métropolis, jeudi soir, la chanteuse était resplendissante avec sa tête bouclée et sa blouse blanche déboutonnée, mais son plaisir était tel que son sourire n'en paraissait que plus craquant et que son charme opérait plus que jamais.

L'excellent pianiste et arrangeur Nobu, sans qui ce concert n'aurait jamais eu lieu nous a-t-elle dit, a réussi le tour de force de mettre en valeur comme jamais auparavant les qualités d'interprète de Birkin tout en faisant ressortir magnifiquement la beauté des musiques de Gainsbourg. Nobu et ses copains d'enfance (violon, batterie, trombone-trompette) étaient aussi remarquables quand ils se donnaient pleinement à la musique que quand ils se mettaient au service de la chanteuse et des chansons du grand Serge sur la pointe des pieds.

On a vu la violoniste s'éclater et le tromboniste lui emboîter le pas dans la très belle En rire de peur d'être obligé d'en pleurer,  provoquant les premiers bravos de cette soirée que Birkin a qualifiés d'unique et qui a agi sur elle et ses musiciens comme un baume après une 'soirée de galère' à Toronto. Le couteau dans le play, pendant laquelle Birkin-la-gamine courait d'un musicien à l'autre, s'est terminée dans une belle cacophonie et Ces petits riens a pris des accents argentins.

Mais j'ai tout autant apprécié la musique feutrée de Marilou sous la neige qui avait un petit quelque chose de country, ou le bridge mélancolique de Jane B. nourri par le violon et le trombone. Au rappel, le groupe s'est fait discret le temps de La chanson de Prévert et, après une intro au violon, il s'est presque effacé pendant que Birkin chantait L'aquoiboniste.

Elle était belle à voir la Birkin quand elle s'est assise sur le rebord de la scène pour chanter Ballade de Johnny Jane: un ange qui chante le cul. Pendant Une chose entre autres, interprétée avec son pianiste comme seul accompagnateur, nous étions suspendus à ses lèvres. Puis Jane-la-coquine a fait son effet quand elle s'est dandinée parmi les spectateurs assis devant la scène en leur susurrant Mon amour baiser.

D'abord sérieux comme des papes, les Japonais ont enfin souri quand la violoniste Aska a remonté le parterre en reprenant à son compte les onomatopées de Comic Strip avec beaucoup plus de talent que ne l'avaient fait Bardot et Birkin à l'époque, a affirmé la vedette de la soirée.

Avec son directeur artistique Philippe Lerichomme, Birkin a pigé dans le vaste répertoire de Gainsbourg pour en ressortir des choses qu'elle avait moins chantées ou pas du tout  - Requiem pour un con, jazzée - ou dont elle ne soupçonnait même pas l'existence - Les amours perdues, du Gainsbourg des débuts. Ses fans ont longuement applaudi Baby alone in Babylone, Les dessous chics et Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve, mais ce sont surtout les trésors cachés qui ont donné à ce spectacle de près de deux heures toute sa fraîcheur.