Comme en avant-première du deuxième Concours international d'orgue du Canada, qui s'ouvre à Montréal mercredi, Susan Landale, l'un des neuf juges, donnait hier soir un récital au Casavant de la Basilique Notre-Dame, dans le cadre du Festival Orgue et Couleurs qui prend fin aujourd'hui même.

Native d'Écosse mais fixée à Paris depuis fort longtemps, Mme Landale compte parmi les trois titulaires de l'orgue des Invalides. Elle n'avait jamais joué à Montréal, mais elle m'a confirmé -- dans son français joliment teinté d'accent anglais - y être venue une fois, en 1960, il y a donc 50 ans, pour accompagner son professeur André Marchal invité à inaugurer l'orgue Beckerath de l'Oratoire Saint-Joseph.

Dans le dépliant des événements d'Orgue et Couleurs, le récital de Susan Landale était le seul à porter le bandeau «À ne pas manquer!», ce qu'on peut interpréter de diverses façons. Comme le fait qu'il ne soit venu que 200 personnes. Le mauvais temps, bien sûr, n'aidait pas.    

Mme Landale avait établi un programme assez particulier. On note tout d'abord la présence des Variations de Liszt sur le Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen de Bach, qui sera la pièce imposée aux cinq concurrents retenus pour la finale, laquelle se déroulera au même orgue le 14 octobre. Souhaitons que ces finalistes sachent composer une registration aussi imaginative que celle de l'organiste-juge, c'est-à-dire aussi évocatrice de ces «pleurs et gémissements» suggérés par le titre. On a entendu là, notamment, un 32-pieds de pédale proprement terrifiant.

Seule autre oeuvre très connue du programme, le troisième Choral de Franck se déroula prudemment. On sentait que Mme Landale jouait sur un orgue nouveau pour elle et se ménageait pour le morceau de la fin, le sauvage et dissonant quatrième et dernier mouvement, ponctué de clusters, des Laudes du compositeur tchèque Petr Eben. Un écran géant, placé dans le choeur, permettait de suivre l'organiste, là-haut, sur ses claviers, assistée de Philip Crozier au tirage des jeux.

L'invitée avait ouvert son programme avec l'une des cinq improvisations que Tournemire grava en 78-tours à Sainte-Clotilde, en 1930-31, telles que reconstituées à partir des disques par Maurice Duruflé et publiées en 1958. Par l'ampleur de son jeu et de sa registration, elle confirma le rôle de Tournemire comme précurseur de Messiaen et de l'orgue moderne. Elle compléta son programme avec deux tranquilles Communions de Guilmant - dont, comme on pense bien, celle qui est basée sur un noël écossais - et les trois indifférents Chorals de Jehan Alain. Elle salua sans donner de rappel.

SUSAN LANDALE, organiste. Samedi soir, Basilique Notre-Dame. Orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale. Dans le cadre du Festival Orgue et Couleurs.

Programme :

Improvisation sur le Te Deum (1931) - Tournemire

Deux Communions: no 2 (1886), no 1 (1884) - Guilmant

Choral no 3, en la mineur (1890) - Franck

Trois Chorals (1934-35) - Alain

Variations sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, S. 673 (1863) - Liszt

Christus vincit, 4e mouvement de Laudes (1964) - Eben