L'Orchestre symphonique du Conservatoire entreprend sa saison ce week-end avec un contingent de 56 musiciens et dans ses propres murs, plus précisément le Théâtre Rouge de 225 places. Raffi Armenian a quitté la direction de la maison mais a conservé l'orchestre et dirige ce premier concert.

Pour la pièce d'entrée, l'Ouverture tragique de Brahms, il cède cependant la baguette à l'un de ses élèves, Ghassan Alaboud, que l'on prend d'abord pour Jean Marchand. Les gestes sont crispés au début, ce qui est normal. Bientôt relaxé, le nouveau venu entre dans le vif du sujet et obtient de ses camarades une lecture techniquement en place et même expressive.

Le programme comprend deux solistes: Émilie Carle-Tétrault, flûtiste, élève de Marie-Andrée Benny, et François Laurin-Burgess, clarinettiste, élève de Jean-François Normand. Les deux se révèlent d'égale force. Premier sujet d'étonnement: bien qu'encore sans expérience de la scène, ils ont tout mémorisé. Or, les 244 mesures du premier mouvement du Concerto pour flûte de Carl Reinecke et les 507 mesures du Concerto pour clarinette d'Aaron Copland leur donnent très peu de répit. Ils jouent presque tout le temps; dans les séquences où ils se taisent, ils doivent préparer leur rentrée.

Le Concerto de Reinecke pris dans son entier (trois mouvements et 551 mesures, dont 412 où intervient la flûte) est monotone et interminable, ce qui explique qu'on n'en joue souvent qu'un mouvement, comme c'est le cas ici. Appuyée sur une technique complète, Émilie Carle-Tétrault communique à l'auditoire le plaisir qu'elle prend aux 10 minutes de l'Allegro de Reinecke.

Le Concerto de Copland est beaucoup plus original et plus varié et François Laurin-Burgess en tire le maximum. Dès le début, Armenian et l'orchestre coloré de harpe établissent l'atmosphère rêveuse où va se glisser la clarinette. Le jeune soliste traverse ensuite la cadence en respectant chacune des nombreuses nuances souhaitées par Copland. Une sorte de second mouvement beaucoup plus rapide s'installe par après, découvrant une clarinette tour à tour sombre et criarde, voire jazzée par moments.

Copland composa son Concerto pour le légendaire jazzman Benny Goodman (qui savait aussi jouer Mozart!). Goodman ayant déclaré certains traits injouables, Copland les lui retira et les confia au piano. Charles Neidich, qui enseigna à Jean-François Normand, aujourd'hui professeur de François Laurin-Burgess, a enregistré le Concerto de Copland en rétablissant ces quelques passages que Goodman jugeait trop difficiles. Bien que certainement équipé pour les jouer, Laurin-Burgess s'en tient à la partition officielle.    

La Symphonie no 95 de Haydn, en fin de programme, découvre chez les violons des unissons qui ne sont plus tout à fait des unissons et, ici et là, des attaques approximatives. En cours de route, Armenian parvient néanmoins à conférer au tout un certain drame et un certain mystère. De la masse orchestrale pointent le hautbois-solo déjà personnalisé de Ian Alejandro Barillas-McEntee et, malgré de petits écarts de justesse, la solide sonorité de violoncelle de Thomas Chartré dans la première variation du deuxième mouvement et dans le trio du menuet.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DU CONSERVATOIRE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Raffi Armenian. Chef invité: Ghassan Alaboud(*). Solistes: Émilie Carle-Tétrault, flûtiste, et François Laurin-Burgess, clarinettiste. Samedi soir, Théâtre Rouge du Conservatoire. Reprise dimanche, 14h30.

Programme:

Tragische Ouvertüre, op. 81 (1880) - Brahms (*)

Premier mouvement (Allegro molto moderato) du Concerto pour flûte et orchestre en ré majeur, op. 283 (1908) - Reinecke

Concerto pour clarinette et cordes, avec harpe et piano (1948) - Copland

Symphonie no 95, en do mineur, Hob.I:95 (1791) - Haydn