Après les plaines d'Abraham, l'été dernier au Festival d'été de Québec, le Centre Bell: le controversé sextuor dance-métal-industriel allemand Rammstein a fait salle comble jeudi pour une rare performance nord-américaine où grosses guitares, feux d'artifice et burlesque ont donné des frissons aux fans, qui ont attendu près d'une décennie avant de les revoir sur scène à Montréal.

On nous avait prévenus, Rammstein donne tout un concert. Chaque chanson est prétexte à une mise en scène (plus ou moins) élaborée. Les éléments de pyrotechnie font partie de chaque tableau, ou presque. Ça gueule et ça groove avec fracas. On avait raison, tel est le constat après ce concert de près de deux heures, spectaculaire à bien des égards.

C'était à se demander ce qui motivait le groupe à se donner la peine de traverser l'océan avec tout son bazar de scène juste pour donner deux concerts, celui de jeudi au Centre Bell et un second, ce soir, au Madison Square Garden de New York, l'un des États américains n'ayant toujours pas banni Rammstein (pour la petite histoire, le Massachusetts promet le bûcher à ses méchants musiciens pour mauvais usage d'un vibrateur devant public, il y a quelques années).

On a tout compris en mettant les pieds dans l'aréna. On a compté dix caméras HD, dont trois sur de grosses perches mécanisées. Sûr, les métalleux allemands s'en venaient tourner leur DVD Rammstein in konzert in Montreal. Ils y ont mis toute la gomme: un spectacle roulé au quart de tour - lorsqu'on synchronise les explosions avec le jeu du batteur, il ne peut en être autrement - où les musiciens ont semblé y mettre toute l'énergie nécessaire pour passer à la postérité.

Or, on peut bien tenter de vous décrire les facéties scénographiques de Rammstein avec moult détails - le feu craché un peu partout, des pétarades, une torche humaine, une balade en canot gonflable sur le parterre (pendant Haifisch, au rappel), la vingtaine de poupées de bébé pendues du plafond avec des rayons laser verts qui leur sortent des yeux jusqu'à ce qu'ils explosent en morceau à leur tour (pendant la chanson Wiener Blut, au milieu du concert), le décor donnant à la scène l'air des forges d'Isengard, les poses menaçantes du sculptural chanteur Till Lindeman, le spectacle était autant dans la foule que sur scène.

Les Montréalais ne se sont pas fait prier pour pratiquer leur allemand, chantant, poing en l'air souvent, sur les refrains accrocheurs de Rammstein. Le public, bigarré et assez mature (pas beaucoup d'ados dans la salle), semblait savourer chaque offrande du groupe. Au parterre, deux épicentres de mosh pit qui se sont particulièrement dégourdis vers la fin de la performance, alors que le groupe mordait à pleines dents dans les grooves pesants de Links, Du Hast et la salace Pussy, pendant laquelle Till Lindeman a chevauché un gros canon à mousse peint en rose et aspergé les premières rangées. Subtil, n'est-ce pas?

Mêlant le trance et l'industriel avec des chansons rock et métal de structure classique, Rammstein perpétue la tradition, presque trentenaire, des Ministry, Marilyn Manson, Skinny Puppy ou Nine Inch Nails sans réinventer la roue, mais en insufflant sa propre créativité par ces impressionnants moyens scénographiques déployés jeudi.

En essayant de comparer des pommes avec des pommes, disons que le dernier concert de Nine Inch Nails au Centre Bell, il y a deux ou trois ans, était dans une classe à part, tant sur le plan de l'exécution que des technologies de scène mises en oeuvre. À cet égard, Rammstein est davantage comme KISS: du feu, de la fumée, des costumes et du tape-à-l'oeil. Spectaculaire est le mot.