Le duo français Air est revenu bercer ses fans montréalais hier soir au Métropolis, nouvelle escale de sa tournée américaine Love 2, du nom du sixième album studio en treize ans, lancé l'automne dernier. À seulement trois musiciens sur scène, le «trio-minceur» a donné une performance unidimensionnelle.

On a fait grand cas de l'omniprésence de la langue anglaise dans la production musicale hexagonale il y a deux semaines, lorsqu'on a fait le constat que 45 % des numéros présentés lors de la cérémonie des Victoires s'est fait dans la langue des Beatles. S'il faut en conclure que la pop aux visées internationales made in France se fait en anglais, créditons alors Air pour avoir pavé la voie aux (rares, tout de même) Phoenix qui percent aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Certes, le style exploré par Nicolas Godin (voix, guitares, claviers) et Jean-Benoît Dunckel (voix, claviers) est majoritairement instrumental, mais le duo a poussé avec succès ses quelques refrains en anglais, on pense à Do the Joy qui a suivi l'intro instrumentale, à Cherry Blossom Girl ou encore à Kelly Watch the Stars offerte en fin de performance.

Or, la dure réalité est que Air n'a plus tout à fait le même souffle qu'il y a cinq ou dix ans. Le récent Love 2 a été tièdement accueilli par les fans et la critique. Qui plus est, la scène n'a jamais été la force du duo, une conclusion qui s'imposait à nouveau hier soir, au bout de la vingtaine de chansons que le groupe a présentées. Ce n'est pas par le concert que le duo retrouvera sa pertinence d'autrefois.

La dernière fois que nous avons vu Air sur scène, quatre musiciens travaillaient à recréer les suaves ambiances. Hier soir, ils n'étaient que trois, Godin, Jean-Benoît Dunckel et un batteur - un quatrième «aide-clavier» débarquait parfois sur scène, équipé d'une lampe frontale, pour ajuster le synthé Moog de Dunckel. Ceci explique peut-être cela: à trois musiciens, on s'applique bêtement à reproduire, le plus fidèlement possible, les grooves langoureux de la discographie d'Air. La vraie performance scénique avec orchestre complet n'a toujours pas été offerte.

Ils devraient sérieusement y songer, Dunckel et Godin, parce que telle quelle, la performance frise l'ennui. Certes, les reproductions sont souvent très fidèles, Dunckel a les doigts partout sur les touches de ses cinq ou six synthés différents, mais ces chansons si bien pensées sur disque manquent sur scène cruellement de relief, d'autant plus que les deux pop stars ne sont pas particulièrement communicatives.

On a beau ne pas s'attendre à sauter de joie au parterre pendant 90 minutes, il y a quand même des limites à enfiler ainsi les compositions sans passion. Les trente premières minutes de la soirée ont été franchement mortifiantes. Au bout de six ou sept chansons, la foule a eu une réaction beaucoup plus chaleureuse en reconnaissant les premières notes de clavier de J'ai dormi sous l'eau, une des compositions fondatrices du succès de Air.

Celle-ci s'est d'ailleurs conclue par un solo de Moog très bien envoyé par Dunckel, viscéral, même, nous faisant alors regretter les interprétations blêmes qui allaient suivre. Même les titres plus dégourdis (ceux de l'album Talkie Walkie, par exemple) manquaient de tonus.

Air ne manque cependant pas de matière, sa riche discographie en témoigne. Remember, People in the City, Don't Be Light, How Does it Make You Feel? (très bien envoyée, celle-là, peu avant le rappel), Alpha Beta Gaga, puis, au rappel, les Sexy Boy et La Femme d'argent, toutes d'excellentes compositions qui, règle générale, tombaient à plat sur le plancher du Métropolis. Peut-être aussi que la salle n'est pas adéquate pour faire l'écoute, en live, de ces chansons? Un cabaret, des places assises, les yeux fermés, un contexte nettement plus adapté au style du duo?

On ne peut même pas dire qu'on est déçus, Air sur scène n'a jamais été aussi bon que sur disque. On reste quand même sur notre faim, parce que la proposition live mérite depuis longtemps d'être revue et corrigée.