Issue d'une richissime famille japonaise, Yoko Ono est une artiste du performance art, promotrice de l'art contemporain, militante, pacifiste.

Elle fut proche de l'avant-garde musicale new-yorkaise, du milieu de l'art contemporain et du mouvement Fluxus. Installée à New York, cette créatrice et promotrice fréquentait alors La Monte Young, John Cage, Henry Flint et autres Peggy Guggenheim avant de flairer la piste pop rock et... devenir l'amoureuse de feu John Lennon. Elle éduqua ce dernier aux formes autres que celles de la pop ou des orchestrations modernes suggérées par George Martin.

Ensemble ils formèrent un couple mythique.

On sait aussi que Yoko Ono fut une source de conflits au sein des Beatles.

Depuis son apparition dans l'imaginaire pop rock, elle fut l'objet de débats polarisés, de discussions stériles.

Elle l'est toujours à 85 ans. Si certains adhèrent pleinement à sa légende, d'autres continuent à y voir une imposture... pis encore, la cause principale de la dissolution des Fab Four.

Qu'à cela ne tienne, elle fut et demeure une forte personnalité, figure iconique. Très jeune, elle avait parfaitement saisi son époque et s'appliqua à devenir un lien entre l'art contemporain et la culture rock, très puissant vecteur de subversion à la fin des années 60. Encore aujourd'hui, Yoko sait habilement surfer sur son mythe. L'infatigable octogénaire revient à la charge avec cet opus aux allures de testament, constitué de relectures tirées de sa discographie.

Impossible de s'inscrire en faux contre ses propos pacifistes, non violents, féministes, écologistes, très critiques face à l'ordre planétaire qui prévaut («This is hell in paradise»), néanmoins porteurs d'espoir.

Alors pourquoi le doute persiste-t-il?

Parce que la proposition musicale de Yoko Ono est faiblarde sur toute la ligne, prétentieuse par voie de conséquence.

La conscience et la vision ne mènent pas forcément à de l'art concluant, en voici un cas patent.

Les formes musicales ici revisitées par Yoko Ono restent embryonnaires; folk rock, proto-punk, avant rock, art rock, électro, amateur... L'instrumentation est électronique, folk ou rock. Des sons guerriers et des cris d'animaux émaillent les nappes de claviers et motifs de guitare. Simples et directs, les mots ne portent aucune poésie au-delà de leurs vertus pamphlétaires. Quant à la voix, elle est tout simplement insupportable. Très souvent, l'interprète doit se rabattre sur des cris viscéraux pour appuyer son propos. Ces cris ne sont pas répréhensibles en soi, mais s'avèrent compensatoires... et donc suspects.

La seule chanson vraiment réussie est la dernière: Imagine... devinez pourquoi.

La démarche artistique de Yoko Ono est certes sincère, celle d'une femme progressiste et visionnaire, dont on ne peut dissocier la proposition musicale de l'ensemble de son personnage et de sa vie, qui constituent une oeuvre en soi. Jusqu'à un certain point.

L'écart entre la justesse de la vision artistique et l'insignifiance des formes musicales ou littéraires ici proposées produit un effet malheureusement négatif. Plutôt que de créer des liens entre l'art contemporain et la culture pop, ces chansons en renforcent les idées préconçues (et souvent erronées) sur l'art contemporain.

Cette sempiternelle imposture musicale de Yoko Ono polarise les points de vue, on ne peut que s'en désoler.

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AVANT-ROCK, AVANT-POP. Warzone. Yoko Ono. Indépendant.