On a beau abhorrer les rumeurs et les potins, il est à peu près impossible d'éviter le récit des frasques signées Emmanuel Dubois alias Koriass, vastement médiatisées. Frasques on ne peut plus prévisibles pour quiconque accède à un tel niveau de popularité: convoités de tous bords tous côtés, très rares sont les artistes hip-hop qui restent dans le droit chemin.

Garçon honnête et vertueux, supporter du féminisme, adhérent des valeurs progressistes, Emmanuel Dubois avait l'idéal de mener une vie impeccable, d'assumer sa vie publique en tant que Koriass et maintenir l'harmonie de sa vie privée. Il pensait déjouer le péché et demeurer un père de famille conséquent et un conjoint attentionné. Mais les choses n'ont pas été aussi impeccables que prévu. Comme la presque totalité des stars, le personnage de fiction a basculé dans le réel, le bad boy de l'univers poétique a eu raison de l'homme véritable.

Emmanuel Dubois et Koriass ont dû s'inscrire au purgatoire. En proie à des déviances classiques (drogues récréatives, alcool, sexe infidèle, irresponsabilité familiale), le rappeur a été mis au pied du mur: dénoncé publiquement, cassé psychologiquement, dérouté moralement... puis repentant. Emmanuel et Koriass auraient retrouvé le droit chemin, persuadé leurs proches de leurs intentions sincères, recollé quelques morceaux et ... on ne connaît pas la suite. Est-ce vraiment utile de la connaître ? Quoi qu'il en fut, quoi qu'il advienne, en voici la vaste autocritique, l'assomption des torts jusqu'à l'autoflagellation.

Musicalement? Le flow keb de Koriass est exemplaire, les syllabes sont musicales pour la plupart. La coréalisation de Ruffsound et de Philippe Brault est sobre, circonspecte, efficace, dans la lignée esthétique des chapitres précédents de leur employeur, au service de ses rimes. Les participations du jeune Fouki sont heureuses, étoffent les pièces Miracles et Lait de chèvre.

Le désir de rédemption n'en demeure pas moins au centre de cet album où la diffraction du réel est très souvent exclue. Même si le récit est poétique (dans une esthétique littéraire purement hip-hop), même si les allusions à ces maux de l'existence adoptent des formes métaphoriques léchées à souhait, calées dans le beat, la confession publique l'emporte largement sur les autres dimensions de cet album.

Après tout ce qui s'est dit et médit sur ce doué MC, pouvait-il en être autrement? Il fallait cette confession publique où le principal intéressé se confond en excuses, s'excuse de demander pardon.

Épaisse beurrée? Vie publique oblige.

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Hip-hop. La nuit des longs couteaux. Koriass. Disques 7ième Ciel.