Chassé de son pays par le régime nazi, l'Autrichien Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) trouva refuge à Hollywood comme compositeur de cinéma. Bien que ce soit là son principal titre de gloire, Korngold a laissé un important catalogue de musique de concert, son oeuvre la plus jouée étant le séduisant Concerto pour violon de 1947.

On connaît moins sa musique de chambre. La marque CPO a réuni en un album de deux compacts ses trois Quatuors à cordes, tous en quatre mouvements, et son Quintette pour piano et cordes, qui en contient trois. Les interprètes : le Quatuor Aron, formé à Vienne en 1998, et le pianiste finlandais Henri Sigfridsson. Toutes ces oeuvres ont déjà été enregistrées, mais la seule autre intégrale des Quatuors présentement disponible est celle du Quatuor Flesch, chez Brilliant.

Le premier disque de l'album CPO réunit le Quintette pour piano en mi majeur, op. 15, et le premier Quatuor, en la majeur, op. 16. Les deux oeuvres datent de la même période : 1920-24.

De style orchestral, le Quintette débute sur un air de café-concert et finit sur des échos de Richard Strauss. Entre ces deux mouvements emportés et pleins d'innovations au plan de l'écriture, Korngold glisse un Adagio formé de neuf variations sur un lied tiré de son cycle op. 14 datant de 1921.

L'influence de la Nouvelle École de Vienne, et de Schoenberg en particulier, marque le premier Quatuor. Ses mouvements les plus intéressants sont le sombre deuxième et l'enjoué troisième, un fort contraste s'établissant entre les deux.

Le deuxième Quatuor, en mi bémol majeur, op. 26, venu une décennie plus tard, en 1934, offre la même idée de contraste dans les mouvements médians, cette fois en ordre inverse : le deuxième est humoristique et le troisième est mélancolique. Les deux mouvements extrêmes sont moins remarquables : le premier fait écho à la Cinquième de Beethoven, rien de moins, et le finale est une valse viennoise.

Bien que Korngold exploite partout la pleine sonorité du quatuor comme tel, le meilleur de sa musique de chambre se trouve finalement dans le troisième et dernier Quatuor, en ré majeur, op. 34, de 1945 et presque contemporain du Concerto pour violon. L'esprit de la Nouvelle École de Vienne est encore là et, même si le compositeur y reprend des thèmes de ses musiques de film, l'ensemble reste d'un style plus dépouillé et plus abstrait.

Dédié à Bruno Walter, ce troisième Quatuor est le seul à avoir été joué ici un certain nombre de fois : par le Quatuor Montréal en 1991, le Sine Nomine, de Suisse, en 1995, et le Molinari en 1999. L'interprétation du Quatuor Aron est parfaitement satisfaisante, tout comme la participation de son pianiste invité.

KORNGOLD

Quatuor à cordes Aron et Henri Sigfridsson, pianiste

CPO, ALB. 2 D., 777436-2

*** 1/2