Deux de nos pianistes les plus en vue figurent sur des parutions récentes de nos deux principales - et concurrentes - marques de disques. Alain Lefèvre poursuit son exploration du catalogue d'André Mathieu chez Analekta et Louis Lortie se produit comme chef et soliste d'un programme Mendelssohn chez ATMA.

Avec les London Mozart Players dirigés par Matthias Bamert, Lefèvre se tourne maintenant vers le deuxième Concertino, op. 13, oeuvre en trois brefs mouvements que Mathieu aurait écrite à 5 ans et qui lui valut en 1941 le premier prix d'un concours lancé par le Philharmonique de New York.La partition ayant été revue par Gilles Bellemare, il est difficile de dire ce qui y est effectivement de la main du petit Mathieu. Quoi qu'il en soit, l'oeuvre est assez étonnante, avec ses deux mouvements vifs et moqueurs encadrant une sorte de grande rêverie. Le finale comporte une impressionnante cadence.

Lefèvre complète son programme avec le premier Concerto, op. 35, de Chostakovitch, auquel se mêle un solo de trompette, et le rare Concerto pour piano et violon, en ré mineur, de Mendelssohn.

Dans le Mathieu comme dans ce qui suit, Lefèvre déploie une virtuosité éblouissante et apporte une expression envoûtante aux épisodes plus calmes. Véritables boute-en-train, lui et le trompettiste britannique Paul Archibald traversent le Chostakovitch avec un humour contagieux. Le Mendelssohn de jeunesse, écrit à 14 ans, est plus faible (un premier mouvement de 20 minutes qui n'en finit plus!), mais Lefèvre et son frère David, violoniste, y apportent le maximum de soin.

Le petit orchestre londonien ne joue pas toujours parfaitement juste et l'écoute attentive découvre deux étranges petits bruits à la toute fin du 2e mouvement du Chostakovitch (à 7'39 et 7'47, au chiffre 38 de la partition).

Avec l'Orchestre Symphonique de Québec, Louis Lortie joue et dirige du piano les Concertos op. 25 et op. 40 de Mendelssohn et se fait chef d'orchestre à part entière pour la cinquième Symphonie, dite Réformation, du même compositeur.

Son exécution des deux concertos est, tour à tour, prodige de vélocité et pur ravissement. Lortie traverse les mouvements rapides à une vitesse effarante (ce que demande, en fait, la partition) et, en total contraste, remplit les mouvements et épisodes lents d'un charme irrésistible. L'OSQ joue magnifiquement et sa coordination avec le piano est parfaite.

Lortie étonne tout autant par la cohésion et la grandeur qu'il confère à la Réformation, qui reste pourtant une oeuvre inégale, avec son mélange de mysticisme et de naïvetés. Ici encore, magistrale mise en place sonore de l'orchestre.

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ALAIN LEFÈVRE, pianiste: Mathieu, Chostakovitch, Mendelssohn, Analekta, AN 29 283

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LOUIS LORTIE, pianiste et chef: Mendelssohn, ATMA, ACD22 599