Est-il possible de présenter trois nouveaux opéras à Montréal en deux semaines ? Marc Boucher donne une réponse positive à cette question avec son Nouvel Opéra Métropolitain (NOM), qui (re)créera deux ouvrages français du XIXe siècle et une commande toute québécoise entre le 31 mai et le 14 juin.

« L’objectif est de faire, d’ici trois à cinq ans, un véritable festival d’opéra métropolitain en juin, donc une offre complémentaire aux saisons des autres organismes », explique le baryton et entrepreneur musical à l’origine du NOM, créé récemment en parallèle à son Festival Classica.

Complémentaire à la programmation de l’Opéra de Montréal notamment, et ce, sur plusieurs plans, dont celui des coûts. « On commence modestement, à la hauteur de nos moyens », convient Marc Boucher.

Ces moyens se limitent à quelques – indispensables – subventions et à un apport du public qu’il veut garder à la hauteur de la capacité de payer du mélomane moyen. Pas question, donc, d’adopter la tarification dynamique préconisée par l’Opéra de Montréal.

« Cela ne fait pas partie des valeurs de notre organisme à but non lucratif. À partir du moment où ce modèle d’affaires vient s’imposer, on entre dans une logique qui, à terme, va faire pression pour que les programmations répondent aux exigences financières du marché », prévient le directeur général et artistique du Festival Classica, qui a tenu à garder ses prix dans une fourchette de 10 $ à 35 $.

« Parce qu’on est un organisme subventionné, on se doit de garder une indépendance artistique, assure-t-il. Cela permettra par exemple de présenter, en 2025, Les mamelles de Tirésias [de Poulenc], et l’an prochain Der Kaiser von Atlantis [de Ullmann], des œuvres qui, dans une logique marchande, ne seraient pas considérées. »

Les productions, présentées à la salle Claude-Champagne de l’Université de Montréal, restent modestes sur le plan scénique. Marc Boucher parle de versions concert « augmentées », ce qui implique des musiciens sur scène, et non dans une fosse, mais aussi une absence de décors « en dur ».

Tous les tableaux vont être créés avec des décors numériques immersifs. On pense que toutes les compagnies d’opéra doivent se préoccuper de leur empreinte carbone.

Marc Boucher, entrepreneur musical

« Nous avons voulu dématérialiser les décors et avoir des costumes qui proviennent de textiles recyclés. On est vraiment dans un modèle d’économie circulaire qui met au premier plan les voix dans un environnement à dimension humaine », résume le principal intéressé.

Les chanteurs québécois en vedette

Le souci de carboneutralité pousse aussi l’organisation à recruter dans le vivier de chanteurs québécois. Vingt-deux des vingt-cinq rôles que comportent les trois opéras présentés cette année sont d’ici. Et certains sont impliqués dans plus d’une production, toutes présentées pour un seul soir.

C’est notamment le cas de L’homme qui rit (le 31 mai), un grand opéra de plus de deux heures commandé par le NOM à Airat Ichmouratov, un compositeur québécois de réputation internationale, qui tenait à travailler sur le roman du même nom de Victor Hugo. Y chanteront, entre autres, Jean-François Lapointe, Hugo Laporte, Magali Simard-Galdès et Marc Boucher lui-même.

Ce dernier dit l’œuvre empreinte d’« un post-romantisme très puccinien évoquant à la fois Stravinsky, Moussorgski et Ravel ». « C’est un opéra à numéro, une construction très proche de Turandot de Puccini. »

En sortant, certains vont probablement siffler des airs, puisqu’on est dans une musique accessible, très bien écrite pour les voix.

Marc Boucher

Viendra ensuite, le 6 juin, la courte opérette L’adorable Belboul de Massenet, une « turquerie » retrouvée à Londres en 2017, dont la recréation mettra en vedette la mezzo-soprano française Pauline Sabatier. « On est dans un Orient fantasmé qui a inspiré beaucoup de compositeurs au XIXe siècle, décrit le baryton. Comme dans Cosi fan tutte, c’est l’intelligence féminine qui triomphe d’un certain obscurantisme masculin. »

Ce mini-festival lyrique culminera par la création d’un ouvrage oublié, Miguela de Théodore Dubois, davantage connu pour sa musique sacrée (ses Sept paroles du Christ entre autres) que pour ses opéras. Douze solistes se retrouveront sur scène, dont la soprano Myriam Leblanc dans le rôle-titre et le ténor montréalais Emmanuel Hasler dans celui de Martigny, une sorte de Don José.

Marc Boucher confirme qu’il s’agit d’une partition « très inspirée de Carmen, puisant dans un thème éternel : l’amour improbable en temps de guerre ».

L’amour, peut-être moins improbable, de l’administrateur et chanteur pour la création lyrique donnera en tout cas assurément à Montréal quelques-uns de ses moments opératiques les plus audacieux des dernières années.

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