Fuudge, c’est un concentré de fuzz à haute teneur énergétique signé David Bujold. Toutefois, au cours des dernières années, le multi-instrumentiste a mis beaucoup d’efforts sur son projet acoustique enregistré avec un quatuor à cordes. Il avait donc plus que jamais besoin d’une décharge rock ; son nouveau disque, …qu’un cauchemar devienne si vrai, était le remède tout indiqué.

« Pour cet album, je voulais quelque chose de vraiment agressif, nous dit l’auteur-compositeur-interprète. On a passé deux ans avec le projet Déplogué au Grand Théâtre de Québec, plus de temps qu’on pensait, en fait. On s’est emballés en ajoutant un quatuor à cordes, par exemple. Je voulais revenir au plan initial, avec un son plus stoner, plus psych. »

Plus psychédélique, vraiment ? David Bujold prend la pochette de son disque et parcourt les titres avant de se raviser : « Si tu écoutes mes deux premiers EP, c’est super psych et il y a une touche de stoner, dit-il. Maintenant, j’ai basculé, c’est résolument stoner, grunge, noise, avec une touche de psych. Je ne sais même plus s’il y a encore du psych… » On est en effet résolument en territoire stoner, c’est pesant à souhait, il n’y a plus grand-chose de planant chez Fuudge, mis à part peut-être quelques passages de la pièce titre.

En fait, c’est comme si les effluves floydienne époque Syd Barrett avaient naturellement évolué en territoire proto-prog. « Je trippais solide sur le psych, mais j’ai aussi écouté beaucoup de prog quand j’étais jeune : Yes, Genesis, Gentle Giant. C’est le genre de terrain que j’essaie d’oublier, mais ça m’habite, malgré moi, reconnaît le musicien. En fait, je me bats avec mes deux identités. Mais en voulant mettre de l’avant le côté stoner, tout ce qui reste comme accent secondaire, c’est prog. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

David Bujold

Sur cassette

David Bujold, qui compose toutes les pièces et joue de tous les instruments sur les albums de Fuudge, voulait quelque chose d’organique et naturel pour son troisième microsillon studio. Il a même sorti son enregistreuse quatre pistes des boules à mites ! « Quand j’ai commencé à jouer à l’âge de 16 ans, j’utilisais ce genre d’enregistreuse, se rappelle-t-il. Aujourd’hui, tout revient au laptop, ma vie, c’est l’ordi ! C’est pour ça que je suis revenu au quatre-pistes. »

Il couchait donc sur cassette les idées qu’il avait conservées, un processus un peu chaotique, reconnaît le musicien. « Il y a des gens qui créent tous les jours, ils y vont au volume et gardent 10 % de ce qu’ils composent, explique David Bujold. Moi, je n’ai pas la discipline pour faire ça. J’essaie donc de noter ce qui me passe par la tête quand je marche, quand je roule à vélo. »

Je fredonne quelque chose, je l’enregistre sur mon téléphone, et quand j’ai du temps, je parcours mon iPhone, je retrouve les bons riffs que j’ai enregistrés, je repique ma propre voix sur ma guitare et j’essaie de faire quelque chose avec ça.

David Bujold

Comme David Bujold voulait un son plus abrasif, il s’est aussi replongé dans ses vieux disques de métal, des classiques du genre Slayer, Metallica, « mais Nirvana aussi, je suis un grand fan », nous apprend celui qui s’est justement pointé à l’entrevue dans un café de Rosemont avec un t-shirt de Metallica sous sa veste de jeans.

Les guitares sont donc délicieusement grasses, parfois désaccordées jusqu’en si bémol — il faut écouter Ta yeule, toute va ben pour entendre à quel point les cordes sont détendues, on oserait même dire lousses !

J’ai fait ça un peu par hasard. J’ai fredonné une mélodie et la dernière note était plus grave que le mi, j’ai donc désaccordé ma guitare.

David Bujold

La flamme du rock

Une profession de foi rock qui témoigne de l’air du temps, David Bujold prédit d’ailleurs le retour en grâce du son des années 1970 et 1990. « On a fait un show à Chicoutimi au Bar à pitons, et c’était rempli de jeunes dans la vingtaine. J’ai vraiment pogné de quoi ce soir-là en les voyant trasher et crowdsurfer, nous dit le musicien de 42 ans. Il y a vraiment des jeunes qui reviennent vers le rock. Je pense que c’est une question d’accessibilité et de diffusion, ça crée un effet de masse. Les jeunes d’aujourd’hui écoutent un peu n’importe quoi au fond, il n’y a plus de catégories. »

« Pour notre part, on essaye de garder la flamme du rock allumée, mais on voit aussi que les gens sont vraiment contents qu’on le fasse, nous dit-il. Je suis reconnaissant de voir que ce que je bâtis est bien accueilli. » Tout le plaisir est pour nous, David.

Lisez notre critique de l’album
…qu’un cauchemar devienne si vrai

Rock

…qu’un cauchemar devienne si vrai

Fuudge

Folivora Records