S’inspirant d’un rêve qu’il a fait et du livre des Psaumes, l’artiste contemple sa finalité et les limites de la foi dans un poème folk aux mélodies célestes.

« I’ve been thinking about the great migration », chante Paul Simon, en ouverture de Seven Psalms, suite folk en sept temps qu’il offre sous la forme d’une seule œuvre de 33 minutes. Cette « grande migration » qui préoccupe l’éminent songwriter de 81 ans, c’est bien sûr la mort. La sienne, bien entendu, qui n’est plus une abstraction à ses yeux étant donné son âge.

Le long poème folk qu’il dévoile est issu d’un rêve, comme il l’a expliqué dans un court film diffusé plus tôt ce printemps sur YouTube. Une nuit de février 2019, il a rêvé d’une voix qui lui annonçait qu’il travaillait sur une œuvre intitulée Seven Psalms. Puis, à partir de ce moment, Paul Simon s’est régulièrement levé aux petites heures pour écrire. Ou plutôt pour transcrire des phrases qu’il accueillait dans un état de rêve éveillé.

Il n’est pas osé de présumer qu’il s’agit d’une œuvre testament. Autant en raison de l’âge de son auteur que de l’envergure de ce qu’il cherche à embrasser dans cette œuvre. Guitare en main, il réfléchit tout haut à son parcours, mais aussi à ce qui concerne tous les êtres humains, aux êtres et aux choses qui nous entourent et à la transcendance à laquelle on aspire, peut-être malgré nous. « Ce morceau parle du débat que j’ai avec moi-même à propos de croire ou non », annonçait-il dans la bande-annonce de l’album.

L’approche est moins littérale que symbolique. On ne peut pas résumer le monde en sept chansons. Sauf si on est poète. Paul Simon décrit moins qu’il n’évoque en juxtaposant de manière inattendue des images touchantes. « Les larmes et les fleurs sèchent avec le temps, chante-t-il. Les souvenirs nous quittent, mélodies et rimes, quand le vent froid souffle… » Il y a de l’empathie et de l’abandon dans ses mots. Et quelque chose qui ressemble à de la gratitude dans son chant.

Essentiellement folk, hormis un segment bluesé empreint de country et de gospel (My Professionnal Opinion), Seven Psalms est traversé par un thème musical récurrent, un riff riche joué à la guitare sur lequel Paul Simon énumère ce qu’est Dieu, à ses yeux. Il en parle comme d’un « grand ingénieur », « un visage dans l’atmosphère », « la forêt vierge », « un étranger venu d’ailleurs », mais aussi comme du « virus de la COVID » et de « la hausse du niveau des océans ». Dieu, en somme, est en chacun et en toute chose, les belles comme les menaçantes.

Seven Psalms, bien qu’empreinte de religiosité, reste toutefois une œuvre profane, qui tire l’imagerie sacrée vers la philosophie. C’est le poème symbolique d’un seul homme, d’un peintre sonore maîtrisant le rythme (son phrasé changeant est un instrument à lui seul) et la couleur : il a mis des flûtes ici, des chœurs discrets là, du xylophone, etc., composant une fresque aux timbres riches et évocateurs.

Paul Simon n’est pas seul devant la fin qu’il contemple. Il y a ces musiciens et la musique qui l’entoure. Il y a aussi la voix de sa compagne de longue date, Edie Brickell, avec laquelle il chante en duo les deux derniers moreaux : The Sacred Harp et surtout Wait, adressé à la mort… « Attends, je ne suis pas prêt/Je ne suis en train de ramasser mon équipement/Attends, ma main ne tremble pas/J’ai encore l’esprit clair », chante-t-il.

Puis, c’est Edie Brickell qui se glisse dans la chanson : « La vie est une étoile filante […] Le paradis, c’est beau/C’est presque comme à la maison », souffle-t-elle, comme pour rassurer son vieil amoureux. Comment ne pas avoir le cœur chaviré quand, aux dernières mesures, leurs voix s’unissent dans un « amen » où on sent l’acception de l’inévitable et leur grand amour ?

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Seven Psalms

Folk

Seven Psalms

Paul Simon

Owl Records/Sony

9/10