Mars était un mois Payare pour l’Orchestre symphonique de Montréal, qui a effectué une tournée nord-américaine avec son directeur musical il y a trois semaines et en remettait mardi soir avec un programme post-romantique allemand à la Maison symphonique. Un concert qui valait surtout pour un Heldenleben d’anthologie.

La soliste de la soirée était la grande soprano bulgare Sonya Yoncheva, qui chantait le rôle-titre de Norma au Metropolitan Opera de New York pas plus tard que samedi passé. On l’attendait donc impatiemment dans les Rückert-Lieder de Mahler, qui ont remplacé les Quatre derniers lieder de Strauss initialement annoncés.

Il n’y a évidemment rien à dire sur le plan vocal. La soprano, qui s’est présentée sur scène avec une splendide robe aigue-marine, possède un des plus beaux instruments qu’il nous a été donné d’entendre, rond, brillant, chaleureux et souple. Cultiver assidûment le bel canto entre les rôles plus véristes (elle a également chanté Fedora au Met en janvier) n’est pas étranger à la santé vocale de la cantatrice.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La soprano bulgare Sonya Yoncheva

On s’étonne – et se désole – toutefois que la soprano n’ait pas trouvé le temps, entre deux « Casta diva », d’apprendre son texte par cœur. On parle après tout de cinq pièces relativement courtes. On peut bien accepter qu’un chanteur garde une partition à portée de main pour se sécuriser, surtout lorsqu’il donne une œuvre pour la première fois (c’était le cas mardi soir).

Mais à peu près pas une fois la diva, qui est venue faire de grands saluts émus à la fin, n’a levé les yeux de son lutrin pour nous dire les mots magnifiques du poète allemand. Vu le montant sûrement stratosphérique de son cachet, c’est carrément révoltant.

Nettement plus professionnel, Rafael Payare n’en a pas moins déçu dans l’accompagnement de ces bijoux du répertoire de lieder. Tout est trop vite, trop volontaire. On peut comprendre avec « Blicke mir nicht in die Lieder », marqué « très vif ».

Mais le reste va de « tranquille, égal » (« Um Mitternacht », dont le motif initial ne respirait pas) à « très lent et retenu » (« Ich bin der Welt abhanden gekommen »). Il faut simplement laisser couler la musique, goûter chacune des merveilles qu’elle nous offre. Comme ce jouissif accord de neuvième précédant l’avant-dernière intervention de la soliste dans le crépusculaire « Ich bin der Welt », que Payare laisse filer de manière impardonnable.

On est d’autant plus surpris de ce laisser-aller que le chef sait comment gérer ces passages, ce qui n’est pas le cas de tous ses collègues. La preuve en est donnée pas plus tard qu’après la pause avec Ein Heldenleben (Une vie de héros) de Richard Strauss.

On a là une réalisation de très haute volée. Et ce, dès le thème initial (celui du héros), qu’il dynamise à souhait, au contraire de plusieurs interprètes qui oublient mystérieusement l’indication « vivement » du début.

On aurait pu vouloir quelque chose de plus grotesque, de plus caquetant pour le deuxième thème, figurant les représentants de cette confrérie honnie par Strauss dont fait partie l’auteur de ces lignes. Mais le reste est du bonbon, avec des solos divins du violon solo Andrew Wan et un développement judicieusement emporté. Tout l’orchestre y met du sien, les vents au premier chef, avec des aigus à faire fondre du clarinettiste Todd Cope.

En début de soirée, l’orchestre a proposé la très rare Ouverture héroïque de la compositrice Johanna Müller-Hermann, une contemporaine de Strauss ayant étudié avec Bruckner, Zemlinsky et Schmidt et longtemps professeure au Nouveau Conservatoire de Vienne, fermé par les nazis en 1938.

On pourrait très bien penser à une œuvre du jeune Strauss. L’imagination mélodique et harmonique est profuse, avec l’utilisation de percussions exotiques faisant penser à Salomé.

Le concert est repris jeudi, à 19 h 30, et sera ultérieurement webdiffusé.

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