Aya Nakamura est la chanteuse francophone qui a accumulé le plus d’écoutes en ligne. C’est à Montréal, au festival Osheaga, que la mégastar donnera l’été prochain son tout premier spectacle en Amérique du Nord. Française d’origine malienne, elle vient de sortir un quatrième album de rupture intitulé DNK. Décryptage d’un phénomène.

Les chiffres d’abord

Sur Spotify, son duo avec Damso ayant pour titre Dégaine surpasse les 55 millions d’écoutes, alors que sur YouTube, le clip de son tube Djadja a accumulé 900 millions de visionnements. Comme on dit en France, son pays d’adoption, Aya Nakamura est une mégastar. En fait, elle est la chanteuse pop féminine francophone la plus écoutée de la francophonie sur les différentes plateformes d’écoute en ligne. L’artiste d’origine malienne compte quatre albums à son actif, dont DNK, sorti le 27 janvier dernier. Ce jour-là, le festival Osheaga a annoncé fièrement sa venue à Montréal, et ce sera son tout premier spectacle en Amérique du Nord. Il n’a fallu par ailleurs que quelques minutes pour que tous les billets de ses deux spectacles dans le plus grand amphithéâtre parisien, l’Accor Arena (anciennement Bercy), soient vendus, si bien qu’une troisième date a été annoncée. Pas mal pour une artiste de 27 ans, mère de deux jeunes enfants.

Ses origines et ses débuts

Aînée d’une famille musicale de griots, Aya Danioko – son vrai nom – est née à Bamako, au Mali, en 1995. Elle a grandi avec ses quatre frères et sœurs en banlieue parisienne, à Seine-Saint-Denis. Elle a pensé étudier en mode, mais c’est son chant qu’elle a mis en valeur dans des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux. J’ai mal est sa première chanson qui a obtenu plus d’un million de visionnements sur YouTube. J’étais love love love de toi, roucoule Aya Nakamura sur des airs R&B. Ensuite, la chanteuse, dont le nom d’artiste est inspiré d’un personnage de la série télé Heroes, a fait plusieurs collaborations bien en vue avec des rappeurs et producteurs (Fababy, Gradur, Abou Debeing), puis elle a obtenu en 2016 un contrat prestigieux avec le major Warner, à qui elle a caché jusqu’à son septième mois de grossesse la venue d’une fille ! « Sinon, ils ne m’auraient jamais signée », a-t-elle raconté à Vanity Fair France. Son premier album, Journal intime, est donc sorti en août 2017 avant d’être certifié or, puis platine. On y retrouve la chanson Oumou Sangaré, hommage à la grande chanteuse malienne du même nom.

Son style musical

Avec un mélange de zouk et de R&B, la musique d’Aya Nakamura – qu’elle qualifie de « solaire » – a une nonchalance sensuelle et un groove de boîte de nuit afrocaribéenne. Ses textes empreints d’argot et du langage de la rue sont « devenus un symbole de cohésion raciale et sociale », dixit le magazine Madame Figaro. « Certains mots de la banlieue sont aujourd’hui dans le dictionnaire. Le rap a beaucoup apporté à tout ce qui est urbain en général. C’est le genre le plus écouté, partout, que l’on vienne des cités, d’un milieu bourgeois ou de la campagne », exposait la principale intéressée à Vogue France en 2021. Si son franc-parler et ses textes crus ont fait réagir certains critiques parmi les plus puristes, Aya Nakamura brise les codes de la pop française et elle déstabilise les élites culturelles. On a parlé d’elle dans la presse française avec des remarques misogynes et racistes, notamment après qu’elle ne s’est pas présentée comme prévu à la populaire émission Quotidien de Yann Barthès. Or, le vent est en train de tourner… « Les médias dominants français comprennent désormais qu’ils ont besoin d’Aya Nakamura, mais elle n’a pas besoin d’eux », exposait récemment dans le magazine Madmoizelle la sociologue des médias Marie-France Malonga.

À sa manière

On dit d’Aya Nakamura qu’elle n’aime pas donner des entrevues. Chose certaine, son succès a émané des réseaux sociaux et du public plutôt que de la « machine » de l’industrie musicale. Il y a quelques jours, le magazine du journal français Le Monde a relaté une anecdote qui ne pourrait mieux illustrer l’esprit libre de celle qui aime se surnommer la Nakamurance. L’été dernier, elle a reçu une invitation d’Alicia Keys pour monter avec elle sur la scène de l’Accor Arena. Alicia Keys a pris le soin d’apprendre les paroles de Djadja, mais Aya Nakamura n’a pu assister aux répétitions et elle est même arrivée à la toute dernière minute pour la prestation. La star française aurait aussi refusé de faire un duo avec Angèle, mais elle a lancé une invitation à Rihanna (déclinée car elle était enceinte, mais ce serait peut-être partie remise).

Bref, Aya Nakamura mène sa barque – dans sa promo comme en studio – comme elle l’entend. Elle gère même sa carrière sans imprésario. C’est elle qui choisit ses collaborateurs (le rappeur Stormzy ou le compositeur Ever Mihigo) et décide des modalités de ses collaborations avec la marque de luxe Balenciaga, par exemple. Aya Nakamura s’est séparée l’an dernier du réalisateur de clips Vladimir Boudnikoff, le père de sa deuxième fille. Leur rupture a inspiré son nouvel album DNK, sur lequel on retrouve des chansons chaudes (Belleck), une collaboration avec Myke Towers (T’as peur), des airs pour se Coller. Même quand Aya Nakamura se dit trahie, elle adopte le ton relaxe et sensuellement détendu qui fait sa marque.

Aya Nakamura se produira en première nord-américaine à Osheaga le 4 août.