Le chef Jean-François Rivest nous avait promis un « trip profondément I Musici » jeudi soir au premier concert de l’année de l’ensemble à cordes. Les spectateurs présents à la salle Pierre-Mercure sont loin d’avoir été déçus.

Celui qui est devenu conseiller artistique et premier chef invité d’I Musici il y a deux ans avait confié à La Presse vouloir revenir aux racines de l’orchestre fondé en 1983 par Yuli Turovsky. Le concert de jeudi, donné avec des cordes seules (il était d’ailleurs intitulé La quintessence d’I Musici), illustrait à merveille cette philosophie.

Le maestro a bien expliqué la démarche empruntée pour l’arrangement des deux partitions au programme : le Sextuor no 1 en si bémol majeur, opus 18, de Brahms et la Symphonie no 5 en do mineur, opus 67, de Beethoven. S’il s’agissait, dans le premier cas, d’agrandir l’œuvre de six à une quinzaine de musiciens, il fallait, dans le second cas, « rapetisser » un orchestre symphonique complet.

Un arrangement réussi

Pour Brahms, le chef a en outre choisi de conserver certains passages en petit comité. Cela nous vaudra par exemple une première phrase du thème principal du mouvement initial réalisée à trois solistes, avant que l’ensemble de l’orchestre n’entre pour la seconde phrase. L’ensemble de l’œuvre est rempli de ces petites subtilités tout à fait savoureuses qui nous donnent l’occasion, notamment, d’entendre le magnifique violon d’Annie Guénette.

Pour Beethoven, Jean-François Rivest fait avancer un quatuor devant le reste de la formation pour prendre en charge les parties de vents. Dubitatif ? Ça marche pourtant très bien, et on entend même les choses sous un tout autre jour.

Mais revenons à Brahms. Rivest sent très bien cette musique, la tendre passion qui en émane. Le vaste premier mouvement est bien réalisé allegro non troppo. Le musicien prend le temps de savourer chaque phrase avec un amour infini. Le premier thème, mais également le second en la majeur, chantent de la plus belle des façons. L’élément suivant, en fa majeur, est bien dirigé espressivo animato, une indication équivoque, mais bien écrite sur la partition. On sent la légèreté d’une plume.

Dirigé avec émotion

On change de paysage pour le monumental deuxième mouvement, qui prend l’allure d’une puissante passacaille. Les fondations du Centre Pierre-Péladeau semblent soudain enracinées dans des kilomètres de roc. Lors du retour du mode mineur, après une incursion en majeur, Jean-François Rivest conduit le thème aux basses comme si sa vie en dépendait. On le sent près des larmes.

Si le molto (beaucoup) de l’Allegro molto est relativement gommé (plus facile à faire, il est vrai, avec un vrai sextuor qu’avec un orchestre à cordes), on gagne néanmoins un côté débonnaire pas du tout inintéressant. Impeccable finale, si on excepte un fouillis passager dans les graves vers la fin.

Avant de se lancer dans la Cinquième de Beethoven, le chef avertit : « N’essayez pas de reconnaître la même affaire [que la version avec orchestre], parce que vous allez être déçus ! » Pas de souci, car l’énergie du chef supplée amplement à la relative uniformité de l’écriture pour cordes seules par rapport à celle d’un orchestre symphonique.

Les tempos choisis par Rivest peuvent paraître rapides si on compare à une certaine tradition, mais il suffit d’ouvrir la partition pour s’apercevoir qu’il fait exactement ce que le compositeur demande : un premier mouvement particulièrement musclé (il est précisé con brio, avec ardeur), un deuxième mouvement con moto (avec mouvement), suivi de deux authentiques allegros. Ce qui ne l’empêche pas de retenir les rênes à certaines occasions, comme peu avant la coda presto du finale. On n’entend pas non plus l’habituel ritenuto avant l’attaque du quatrième mouvement… mais on est encore une fois en accord avec le texte.