Les quotas de musique francophone seront maintenus à 65 %, a tranché le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui a publié mercredi une révision de sa politique sur la radio commerciale.

« Il n’y a pas de preuve que les quotas ont un effet préjudiciable sur les stations de radio de langue française en portant atteinte à leur modèle d’affaires ou à leur compétitivité et qui nécessiterait donc une réduction des quotas », écrit l’organisme fédéral dans sa décision.

L’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) et l’Union des artistes (UDA) redoutaient une chute des quotas de 65 % à 35 % en semaine, une récrimination des principaux propriétaires de station formulée en 2015. Aux heures de grande écoute, 55 % du contenu musical doit être francophone, c’est-à-dire que « plus de 50 % de la durée de la portion vocale de la pièce est en français. »

Selon le CRTC, qui a mené un sondage d’opinion publique, « la grande majorité des francophones appuie les exigences actuelles ». De leur côté, les radiodiffuseurs plaidaient que les quotas étaient « déphasés par rapport aux intérêts et aux habitudes d’écoute des auditeurs » et que « cela [avait] des répercussions sur leurs revenus ».

Non seulement l’organisme fédéral maintient les ratios en vigueur depuis 2006, mais il entend aussi faire obstacle aux montages musicaux anglophones, un stratagème utilisé par les stations pour « contourner les exigences réglementaires » en matière de contenu francophone.

Jusqu’à maintenant, une compilation de plusieurs morceaux d’une minute ou plus était considérée comme une seule pièce musicale. Chaque extrait sera désormais catégorisé « sur une base individuelle », sans égard à la durée.

« La diffusion généralisée de montages contenant des extraits de pièces musicales de langue anglaise (et majoritairement non canadiennes) a pour effet de créer un écart entre la place qu’occupe réellement la musique de langue française et les niveaux requis par la réglementation », écrit le CRTC.

L’ADISQ « accueille favorablement la nouvelle politique radio », a souligné sa présidente, Eve Paré, mais son équipe était toujours à analyser la volumineuse révision, tard mercredi.

Révision du financement

L’actualisation de la politique sur la radio commerciale fait écho à une autre revendication du regroupement de l’industrie : une participation accrue et plus équitable des radiodiffuseurs au développement de contenu canadien.

Le CRTC souhaite désormais établir le montant des contributions en fonction des revenus annuels des groupes de propriété plutôt que de la rentabilité des stations elles-mêmes.

Selon des balises « préliminaires », les propriétaires qui affichent des rentrées de moins de 10 millions seraient exemptés du système de contribution, tandis que ceux qui engrangent plus de 50 millions par an devraient verser 1 % de leurs revenus. Entre ces deux cas de figure, le taux serait fixé à 0,5 %.

L’ancienne politique visait les radiodiffuseurs touchant des revenus annuels de plus de 1,25 million ; ils versaient 0,5 % de la partie excédant cette somme ainsi que 1000 $ par an pour le développement de contenu canadien.

« Une réduction de la valeur totale des contributions aurait de graves conséquences sur les productions musicales canadiennes et québécoises, qui ont connu des difficultés au cours des dernières années », avait averti le ministère de la Culture et des Communications.

Plus de souplesse

Bien que les créateurs sortent gagnants de la révision, les radiodiffuseurs ont aussi matière à se réjouir, alors que le CRTC assouplit sa politique sur la propriété commune.

Dans un marché de huit stations de radio commerciale ou plus exploitées dans une langue donnée, un propriétaire pourra contrôler jusqu’à quatre stations – contre trois auparavant –, avec un maximum de trois stations – anciennement deux – dans une même bande de fréquences. Dans un marché de moins de huit stations, une entreprise pourra posséder jusqu’à trois stations, et non seulement deux comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui.

Le CRTC rappelle que son examen a été lancé en pleine pandémie de COVID-19, peu après que le gouvernement du Canada eut annoncé son intention de revoir la Loi sur la radiodiffusion. « Les éléments de la présente politique réglementaire sont destinés à fonctionner à la fois dans le cadre de la loi actuelle et dans celui d’une nouvelle loi », précise-t-il.

D’autres changements en bref

Instauration d’un nouveau quota pour les artistes émergents. Le CRTC s’attend à ce que les stations de radio commerciale consacrent au moins 5 % de leurs pièces musicales à des artistes canadiens émergents. Un musicien « est considéré comme un artiste émergent jusqu’à ce qu’une période de 48 mois se soit écoulée depuis la sortie de sa première chanson commercialisée », précise le Conseil.

Élimination de la politique sur les grands succès dans les marchés bilingues. Les stations de radio FM commerciale de langue anglaise de Montréal et d’Ottawa/Gatineau devaient limiter le nombre de grands succès qu’elles diffusent à moins de 50 % de l’ensemble des pièces musicales diffusées au cours de chaque semaine.

Intégration de musique autochtone dans les listes de lecture des radiodiffuseurs et production d’un rapport annuel sur la quantité de contenu autochtone diffusé au cours de l’année.

Modification de la définition des pièces musicales canadiennes. Elles doivent répondre à deux de ces trois conditions : la musique ou les paroles sont interprétées principalement par un Canadien ; la musique a été composée principalement (au moins 50 %) par un Canadien ; les paroles ont été écrites principalement (au moins 50 %) par un Canadien.