Vous pensiez avoir tout entendu du premier groupe de Lou Reed ? Détrompez-vous. Des démos inédits datant de 1965 viennent de refaire surface, avec les plus anciennes versions connues de Heroin, Pale Blue Eyes et I’m Waiting for the Man.

Cette collection de 15 chansons intitulée Words & Music, May 1965 est le fantasme de tout historien du rock. Imaginez. Les enregistrements en question ont été retrouvés derrière une pile de livres par les deux archivistes de Lou Reed (Jason Stern et Don Fleming), quelques mois après la mort du musicien, en 2013. Les bandes dormaient dans une enveloppe jamais ouverte, datant du 11 mai, que le chanteur s’était envoyée à lui-même afin de protéger ses droits d’auteur, méthode autrement connue comme le « copyright des pauvres ».

Ce qu’ils ont découvert relève de la pépite pour quiconque s’intéresse à l’histoire du Velvet Underground et de son leader Lou Reed. C’est aussi un complément précieux à la poignée d’inédits ressortis en 1995 sur le coffret Peel Slowly and See consacré au cultissime groupe new-yorkais des années 1960.

En 1965, Reed a 23 ans. Il vient de rencontrer John Cale, un musicien d’avant-garde arrivé tout droit du pays de Galles. Leur improbable rencontre débouchera en 1967 sur le fameux album à la banane du Velvet Underground, aujourd’hui considéré comme un jalon fondamental de l’Histoire du rock. Mais on peut déjà entrevoir ici le potentiel de leur collaboration.

Bien que jouées à la guitare sèche, Heroïn et I’m Waiting for the Man ne sont pas si éloignées des versions électrifiées et primitives qui deviendront célèbres. L’univers louche de Lou Reed semble déjà bien placé. Tout comme son talent de mélodiste, frappant sur cette version antédiluvienne de la chanson Pale Blue Eyes, qui ne sera pas gravée avant le troisième disque des Velvet.

Les autres morceaux, entièrement acoustiques et agrémentés d’harmonies vocales signées John Cale, oscillent entre le folk dylanesque (Men of Good Fortune, réinventé en 1973 sur l’album solo de Reed Berlin), la country déjantée (Buttercup Song), le rock’n’roll (Buzz Buzz Buzz) et les parodies de doo-wop (Too Late) et l’expérimental (hypnotique Wrap your Trouble in Dreams, morceau répétitif de 8 minutes repris quelques années plus tard par la chanteuse Nico sur l’album Chelsea Girl).

La qualité sonore est bien sûr approximative. Et il serait surprenant que Lou Reed gagne de nouveaux fans avec cette collection d’inédits. Mais cela n’enlève rien à la valeur historique de l’exhumation.

Words & Music, May 1965 serait le premier chapitre d’une série d’inédits de Lou Reed à paraître ces prochaines années sur le label américain Light in the Attic. Les archives du musicien auraient par ailleurs été cédées par sa femme, Laurie Anderson, à la New York Public Library for the Performing Arts du Lincoln Center, où une exposition multimédia (Lou Reed : Caught Between the Twisted Stars) est en cours jusqu’en mars 2023, un an après la sortie d’un documentaire de Todd Haynes sur les Velvet Underground.

Consultez le site de l’exposition (en anglais)

Lou Reed, qui aurait eu 80 ans cette année, n’a manifestement pas dit son dernier mot.

Words & Music, May 1965

Rock

Words & Music, May 1965

Lou Reed (avec John Cale)

Light in the Attic

8/10