C’est d’abord l’histoire d’une boîte de cassettes, retrouvée par Rick Hughes. « Un jour, Rick est arrivé chez nous avec cette boîte-là, pleine de vieux démos », raconte le guitariste Mike Plant, son partenaire dans Sword, qui lance un premier album en près de 35 ans.

La magie de l’internet. Au début des années 2010, en mettant en ligne la page Facebook de Sword, les membres du groupe mesuraient pour la première fois l’étendue de son bassin de fans, non seulement au Québec, mais partout dans le monde, un impact transcendant de loin ce que leur succès passé leur permettait de s’imaginer.

Quelques concerts retours, dont un au Keep it True Fest à Lauda-Königshofen en Allemagne, les investiront rapidement de la conviction qu’il serait triste de s’en tenir à quelques histoires d’un soir.

En 2012, on est rentrés de l’Allemagne en sachant que Sword venait de renaître pour vrai.

Rick Hughes, chanteur de Sword

Formation majeure de la genèse du métal québécois, Sword offre durant la décennie 1980 d’innombrables soirées inoubliables à La Moustache, défunt bar métal de Montréal (pas loin de l’ancien Forum). Metalized (1986), son premier album, emprunte son sens du refrain fédérateur au hard rock des années 1970, l’agilité de ses solos à la nouvelle vague de heavy métal anglais et certaines salves plus explosives au thrash métal américain.

Le plus célèbre groupe thrash métal de tous les temps, Metallica, invitera d’ailleurs personnellement Sword à se joindre à la caravane de sa tournée Damage, Inc., pour cinq dates québécoises (dont Chicoutimi, Rimouski et Victoriaville) dans le froid de décembre 1986.

La légende veut que lors d’une entrevue qu’il accordait au rédacteur en chef du magazine Kerrang !, le batteur de Metallica, Lars Ulrich, lui ait demandé ce qu’il écoutait ces temps-ci, en pointant son baladeur. Le journaliste lui tendit tout simplement la cassette qui s’y trouvait… celle de Sword.

En 1987, les Québécois côtoyaient à nouveau les titans du rock lors d’une virée anglaise d’une vingtaine de dates en compagnie de Motörhead. Comment Lemmy, l’homme à côté de qui l’hygiène de vie de Keith Richards était celle d’un moine cloîtré, les a-t-il traités ? « Lemmy, c’était comme un oncle, se rappelle Mike Plant. Il nous avait dit : “S’il y a un problème, n’allez pas voir le tour manager, venez me voir directement.” »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Rick Hughes

« Quand on est arrivés au Hammersmith Odeon [salle mythique de Londres] à la fin de la tournée, enchaîne Rick Hughes, un troisième groupe [Gaye Bykers on Acid] avait été ajouté à la soirée et il l’avait mis entre Motörhead et nous… Je suis tout de suite allé avoir Lemmy dans sa loge en lui disant qu’on avait le goût de faire la première partie de Motörhead, pas la première partie de la première partie. Il m’a dit : “T’as raison” et ils ont reswitché ça. Lemmy, c’était l’élégance incarnée. »

Les quatre mêmes gars

En ponctionnant à ses vieux démos inédits retrouvés sur des cassettes leurs éléments les plus électrisants, Sword ajoute enfin un troisième album à sa brève discographie, sans la dépareiller, au contraire. « On a pris ce qu’il y avait de bon là-dedans et on a remeublé autour », dit Mike Plant.

Alors que plusieurs de ses homologues peinent en vieillissant à accéder au registre de leur jeunesse, et doivent ainsi renoncer aux feux d’artifice vocaux dont ils ponctuaient leurs refrains, Rick Hughes déploie encore plus son organe sur III que lors de la première incarnation du groupe. Il demeure un digne héritier de Rob Halford et Ronnie James Dio.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Mike Plant

« Si on n’avait pas Rick, on ne pourrait pas faire ça », résume Mike Plant, à propos de son camarade, qui prend bien soin de sa voix.

« Mais Mike brille aussi en tabarouette sur cet album-là », ajoute le chanteur, à qui il est aisé de donner raison, son solo dans (I Am) In Kommand étant en soi une classe de maître de guitare véloce.

Rick était à la veille de la majorité quand Mike Plant, un ami d’enfance, est venu jammer dans le sous-sol parental de Saint-Bruno-de-Montarville, où était installée la batterie de son frère Dan. Le bassiste Mike Larock y serait bientôt invité par Plant. Mais après s’être heurté à quelques écueils typiques du merveilleux monde du rock — mauvais choix de gérance, désenchantement généralisé, émergence d’un nouveau genre musical (le grunge, en l’occurrence) — Sword s’est dissous au début des années 1990.

« Regarde à quel point je suis un gars chanceux : mon premier vrai band, ç’a été Sword ! lance Rick Hughes. Je n’avais même pas 18 ans ! Et je suis encore là, avec les mêmes gars. » Ça leur fait quel âge, aujourd’hui ? « Ce n’est pas de tes affaires », répond Plant avec son grand sourire tannant.

« 1986 in Montreal/Smocking chicks and free for all/In our twenties, ready to brawl/Not much money but lots of balls », chante Rick Hughes dans l’autobiographique Unleashing Hell. « À cette époque-là, on était prêts à conquérir le monde », explique Plant. Ils auront plutôt conquis les années, pas un mince prix de consolation.

III

Métal

III

Sword

Massacre Records