Sans John McGale, qui perdait la vie dimanche dans un accident de voiture, Offenbach aurait peut-être lancé la serviette avant de connaître certains de ses plus grands succès.

« J’arrête pas, y’est trop tôt », chantait Gerry Boulet en 1985 dans Le rock’n’roll veut ma peau, un texte de Marc Desjardins sur une musique de John McGale. Ne jamais arrêter : voilà un credo auquel le guitariste est demeuré fidèle jusqu’au bout, lui pour qui il était hors de question de cesser de monter sur scène. Né le 30 octobre 1956 à North Bay, il venait à peine de franchir le cap des 66 ans.

Vers 2 h 45, dans la nuit de samedi à dimanche, la voiture de John McGale faisait une embardée sur la montée Odelltown, à Lacolle, avant de percuter un arbre et de prendre feu, des circonstances que la Sûreté du Québec s’affairait encore à éclaircir, lundi. Son décès est survenu au centre hospitalier, dans les heures qui ont suivi l’accident.

Le rockeur avait jusque-là triomphé de nombreuses épreuves, dont la séparation d’Offenbach, initiée par Gerry Boulet en 1985.

Un bagage de mélodies

Sans John McGale, il est fort probable qu’Offenbach n’aurait pas survécu à l’année 1978. Parce que lorsque le bassiste Michel Lamothe et le batteur Roger Belval font défection en 1977, afin de rejoindre leur camarade Pierre Harel au sein de Corbeau, Gerry Boulet a le moral presque aussi bas que le narrateur de Mes blues passent pu dans’ porte.

Jean Milliaire et Normand Kerr remplaceront brièvement la paire, avant que Gerry fasse appel à un drôle et talentueux pistolet croisé lors d’une tournée ontarienne : Breen LeBœuf. C’est Breen LeBœuf, lui aussi originaire de North Bay, qui proposera la candidature de McGale. Après avoir tenté sa chance sur la scène musicale de Sudbury, le guitariste était rentré à North Bay et dirigeait la McGale’s Navy, une formation qui vivotait.

« Dès le premier show qu’il donna avec Offenbach, à Louiseville, il fut stupéfié par la réaction du public. Il ne cessait de répéter à Breen : “Ça s’peux-tu, man ! As-tu vu les freaks ?” », écrit Mario Roy dans sa biographie de Gerry Boulet, Avant de m’en aller (1991).

PHOTO RENÉ PICARD, ARCHIVES LA PRESSE

Offenbach en 1986

Le nouvel alignement se met rapidement à la création de ce qui deviendra son chef-d’œuvre, Traversion (1978). La moitié des musiques des dix chansons de l’album sont signées ou cosignées John McGale, dont Je l’sais ben, Deux autres bières, Les eaux qui dorment et J’ai l’rock’n’roll pis toé. On lui doit aussi les musiques de Palais des Glaces, Zimbabwe, La louve et Seulement qu’une aventure.

« John était arrivé dans Offenbach avec tout un bagage de mélodies et ça tombait bien, parce que c’était un mélodiste rock remarquable », se rappelait lundi le parolier Pierre Huet, qui a collaboré avec McGale à partir de Traversion. Pour l’auteur, aucun doute : le second souffle d’Offenbach est largement attribuable au guitariste, saxophoniste et flûtiste, qui a entraîné le groupe vers un son moins rugueux, plus FM.

C’est souvent en épousant la phonétique des textes en anglais qu’avait d’abord écrits McGale que Pierre Huet imaginait les siens. « Je suis arrivé à “Y a ton corps qui me damne” [dans J’ai l’rock’n’roll pis toé] à partir de la phrase “And it’s getting me down”. Femme qui s’en va s’appelait au départ Funky Samba », se souvenait le parolier, visiblement remué par la tragique nouvelle.

Les anciens collaborateurs s’étaient vus cet été, alors que McGale était venu offrir à Huet un exemplaire d’une récente réédition de Traversion. « C’était un vrai rockeur, mais c’était aussi un garçon très gentil, très doux. »

Les retours d’Offenbach

Après la dissolution d’Offenbach en 1985, John McGale a collaboré avec plusieurs artistes, dont Dan Bigras, Jano Bergeron et David Jalbert. Il a lancé en 1990 l’unique album du Buzz Band, trio formé de Breen LeBœuf et du batteur d’April Wine, Jerry Mercer. Enregistrée avec Toyo en 1994, la chanson Angelie, une adaptation de Dance with Me (1975) du groupe américain Orleans, a connu un grand succès sur les ondes des radios du Québec.

À partir de 1997, John McGale a participé aux multiples résurrections d’Offenbach, avec Martin Deschamps à la voix, dont l’album Nature en 2005. Détenteur de la raison sociale Offenbach, le multi-instrumentiste avait continué de présenter des spectacles sous ce nom, avec d’autres musiciens, même après le départ de Breen LeBœuf et de Johnny Gravel (seul membre à avoir été de toutes les incarnations de la formation).

ROBERT MAILLEUX, ARCHIVES LA PRESSE

Offenbach en 2005

En 2018, un album intitulé Renaissance était ainsi lancé sous le nom Offenbach, ce qui n’avait pas manqué de raviver les tensions chez les nombreux anciens du groupe.

Avec ses vérités contradictoires, ses fréquentes disputes et ses occasionnelles réconciliations, le clan Offenbach a souvent eu les allures d’un Parti québécois du rock. Avec la mort de John McGale, il perd assurément un de ses ténors.