Sa voix est céleste et son esprit, terre à terre : Loreena McKennitt berce les âmes depuis près de 40 ans avec des albums issus de recherches méticuleuses qui tissent des liens entre l’Occident et l’Orient. Elle revient au Québec pour des concerts où les morceaux de The Visit, disque qui l’a révélée, seront à l’honneur.

Avant de se lancer en musique, Loreena McKennitt voulait devenir vétérinaire. Sa vie ne l’a pas menée à soigner des animaux, mais assurément à prendre soin de ses semblables. Sa musique dégage depuis toujours une douceur empreinte de mystère, apporte du réconfort et donne le sentiment d’être connecté à l’essence de l’expérience humaine : la joie, la douleur, la rêverie et le besoin de se sentir en lien avec ce qui nous entoure — les gens comme les lieux.

Elle dit clairement son envie de faire du bien lorsqu’elle aborde la tournée qui passera par Montréal (dimanche et le 9 octobre à la Place des Arts), puis Québec et Sherbrooke. « Je l’envisage comme une expérience apaisante », dit-elle, à la lumière du climat politique actuel et de la période de bouleversement que le monde entier vient de traverser en raison de la pandémie.

Cet apaisement passera d’abord par les chansons de son album The Visit, qu’elle interprétera en entier sur scène pour la première fois de sa carrière en deuxième partie de programme. Jalon essentiel de sa discographie, le disque paru en 1991 a révélé au monde sa voix céleste et ses musiques ancrées dans la tradition celtique, mais métissées d’influences venues du Proche-Orient et de l’Asie Mineure.

Ce mélange s’entend dès All Soul’s Night, pièce qui ouvre l’album : avant même d’entendre son chant inscrit dans la tradition irlandaise, on est aspiré par la résonance du tamboura indien et une mélodie arabisante. Loreena McKennitt a toujours eu les bras grands ouverts : elle n’a jamais hésité à faire chanter les instruments typiquement celtiques (flûtes irlandaises, cornemuse, violon, bodhran, etc.) avec le qanun perse, la viole de gambe ou même la guitare électrique et les claviers.

Anthropologue dans l’âme

Initiée à la musique celtique à la fin des années 1970, Loreena McKennitt en a approfondi sa connaissance en voyageant en Irlande « pour la traquer dans son milieu naturel ». « Me retrouver si près de son cœur battant a eu une forte impression sur moi, se rappelle-t-elle, mais j’ai vite saisi qu’on ne peut pas comprendre une musique traditionnelle sans connaître le contexte social et les circonstances dans lesquelles elle s’est développée. »

Un peu à la manière d’une anthropologue, elle a mené des recherches qui lui ont fait découvrir les migrations des peuples celtes jusqu’aux portes de l’Asie Mineure. « Plus je me suis immergée dans l’histoire, plus des portes s’ouvraient, dit-elle. Je me suis demandé comment ces connexions pouvaient avoir une résonance contemporaine pertinente. »

Sa quête l’a transformée en une espèce d’ingénieure de l’âme. Ses disques, comme la musique de Jordi Savall ou les romans d’Amin Maalouf, cherchent d’abord à bâtir des ponts entre les époques et les cultures. Loreena McKennitt acquiesce avec bonheur et avoue que c’est même depuis longtemps son intention cachée.

En ramenant ensemble des éléments épars, en introduisant ces différentes sonorités et parfois même différentes visions du monde, j’ai l’impression d’être devenue une espèce de diplomate. On est tellement absorbés par notre culture occidentale qu’on oublie parfois qu’il existe d’autres sensibilités et d’autres points de vue – et vice-versa. La musique est l’un des rares médiums universels et peut être ce pont dont on a besoin.

Loreena McKennitt

Replonger dans l’univers de The Visit pour concevoir l’édition 30e anniversaire parue l’an dernier et préparer le concert lui ont rappelé les nombreux voyages en Irlande au tournant des années 1990 en quête d’information et d’inspiration et l’atmosphère « chaleureuse et amicale » des pubs, les soirs d’hiver. Ce dont Loreena McKennitt est plus nostalgique, cependant, c’est de ce sentiment de communauté qu’elle a senti très fort en grandissant dans le nord du Manitoba et d’une vie plus lente, « où on fait moins, mais de manière plus profonde ». Ce qui serait selon elle bénéfique à la planète, qui souffre de notre mode de vie basé sur la surexploitation.

Elle applique cette approche à son échelle, à sa ferme de Stratford, en Ontario, dont elle loue des parcelles à des éleveurs en pratiquant une rotation des terres et dans une perspective de développement durable. « On en voit déjà les bénéfices en matière de biodiversité après seulement cinq ou six ans », constate-t-elle avec enthousiasme.

Cet ancrage dans la nature et sa communauté lui est essentiel. « Je sais que le chemin que j’ai pris, ma carrière en musique, ce n’est pas quelque chose de naturel. C’est pour ça que je reste ici, à Stratford, où je peux avoir une vie normale, dit-elle. Je fais aussi un potager depuis que je suis adulte. C’est mon sanctuaire, l’élément le plus tangible de ma vie. » Cet enracinement est aussi ce qui lui donne des ailes pour faire voler sa voix et nos âmes.

Dimanche et le 9 octobre, 20 h, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

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