Pour réaliser son troisième album, l’autrice-compositrice-interprète acadienne Caroline Savoie rêvait d’engager le guitariste Joe Grass. « J’aime le travail qu’il fait avec Patrick Watson et Elisapie. On sait toujours que c’est lui. En plus, il vient de Moncton ! »

Elle lui a alors envoyé un long courriel, « un roman ! », dans lequel elle lui expliquait tous les tenants et aboutissants de son projet. « Ça m’a pris une semaine à l’écrire. Il m’a juste répondu : ‟Yeah, I remember you, let’s do it !” Facile de même. »

Ce n’était qu’une des étapes dans le processus d’affirmation de l’autrice-compositrice-interprète de 27 ans, « éternelle artiste émergente » qui roule pourtant sa bosse depuis une dizaine d’années.

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Participante à The Voice en France en 2014 alors qu’elle n’avait que 19 ans – dans l’équipe de Mika, elle s’est rendue dans le top 16 –, gagnante du Festival de la chanson de Granby en 2015, Caroline Savoie a à son actif des centaines de spectacles des deux côtés de l’Atlantique, deux albums, quelques succès, dont l’excellente Mille et un, et a même prêté sa voix à Émile Bilodeau dans sa chanson Candie.

« Ça a des avantages de commencer jeune, je me sens rodée. Mais j’ai l’impression de n’avoir jamais pris le temps de définir mon identité artistique », confie la chanteuse dont la personnalité exubérante tranche avec son univers plus grave.

Je regarde Ariane Roy ou Lou-Adriane Cassidy, qui arrivent avec des premiers albums impressionnants, et je me dis : mais comment ça, je n’ai pas été capable de faire ça, moi ? Pourquoi je n’ai pas pris le temps ?

Caroline Savoie

La pause forcée de la pandémie lui a permis de réfléchir à qui elle était vraiment, de faire des changements dans son équipe, de travailler davantage sur ses textes. « À un moment donné, je me suis dit : prends juste le meilleur de ce que tu sais faire et fais cet album. Là, je me sens comme s’il était parti de moi à 100 %. »

Au cours du processus, Joe Grass lui a quelques fois « kické le cul », mais « avec bienveillance », et elle a appris à trancher et à davantage assumer son rôle de leader. « J’ai toujours laissé les gens me mener un peu. »

Et a-t-elle trouvé qui est Caroline Savoie ? « Peut-être que je ne vais jamais le savoir ! Mais à la base, je voulais mettre l’autrice-compositrice de l’avant », dit celle qui a grandi en écoutant Piaf et Bécaud d’un côté, Bob Dylan et Neil Young de l’autre. « J’aime beaucoup la chanson. Concocter une bonne chanson, l’histoire, le message. C’est ma thing. »

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Dans Bruits blancs, Caroline Savoie parle d’inquiétudes écologiques ou des suites d’un amour, rend hommage à son grand-père ou évoque la région de Cap-des-Caissie, au Nouveau-Brunswick.

On vient de vivre deux années pas le fun. En plus de tout cet overload, tu dois continuer avec tes propres problèmes et apprendre à naviguer dans tout ça. C’est pour ça que l’album s’appelle Bruits blancs. Il faut continuer malgré ce qui nous dérange.

Caroline Savoie

Chacune des chansons est comme un petit morceau indie pop à l’univers bien défini. Ce qui les relie, c’est beaucoup la magnifique voix de Caroline Savoie, son « main instrument », qui dégage un remuant mélange de force et de fêlures. « J’ai travaillé fort à la perfectionner, admet-elle. Comment utiliser sa voix pour véhiculer une émotion, je trouve ça puissant. »

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Contrairement à ses compatriotes acadiens, Caroline Savoie ne chante pas en chiac. La chanteuse qui vit maintenant à Montréal n’en a pas moins l’Acadie tatouée sur le cœur. « C’est une source d’inspiration infinie. »

Celle qui se sent l’héritière des Édith Butler, Mari-Jo Thério, Hay Babies et autres Lisa LeBlanc est fière de faire partie de cette communauté. « Sans elles, je ne serais pas ici ! » Elle porte aussi cette énergie décoiffante des femmes acadiennes qui sont, comme elle dit, « très no bullshit ». « J’ai une toune qui s’appelle Je ne suis pas une fleur justement à cause de ça. Je ne suis pas délicate. »

Il y a quand même une vulnérabilité dans ces dix chansons où elle se dévoile beaucoup. Caroline Savoie espère maintenant que Bruits blancs saura toucher les gens, et elle souhaite que sa carrière avance comme celles de Salomé Leclerc, Marie-Pierre Arthur ou Feist, dont on sent l’évolution d’un album à l’autre.

« Je vis de la musique depuis dix ans et j’en suis très reconnaissante. Si je peux avoir un peu plus de monde qui me suit chaque fois, travailler avec des gens avec qui je me sens bien et sentir une évolution tout le temps, je serais contente. »

Bruits blancs

Indie pop

Bruits blancs

Caroline Savoie

Simone Records