Arcade Fire a démarré sa tournée comme prévu ce mardi à Dublin, malgré les allégations d’inconduite sexuelle envers le chanteur Win Butler, alors qu’une vague de demandes de remboursement de billets déferle sur les réseaux sociaux. De son côté, la chaîne musicale CBC Music a confirmé qu’elle allait cesser de jouer les chansons du groupe jusqu’à nouvel ordre.

Dans un article publié dimanche, quatre personnes ont affirmé au média américain Pitchfork avoir été victimes d’inconduites sexuelles de la part du leader d’Arcade Fire. Des allégations qui ont été réfutées par Win Butler, qui affirme ne jamais avoir eu de relation non consensuelle, mais qui s’est excusé pour la douleur qu’il a causée en n’étant « pas plus conscient et attentif à l’effet » qu’il a sur les gens.

En soirée, un porte-parole de CBC Music a confirmé que la chaîne musicale boycottera Arcade Fire en raison des allégations concernant son chanteur, et ce, « jusqu’à ce que nous ayons plus de détails au sujet de la situation ». Au moins une autre station musicale de Toronto, Indie88, a aussi pris la décision de ne plus jouer les chansons du groupe.

Du côté d’ICI Musique, on dit être « sensibles à la situation » bien qu’aucune directive n’ait été formellement envoyée aux animateurs.

« Pour le moment, nous nous réservons la possibilité de ne pas diffuser ou ne pas initier de nouveaux projets avec l’artiste. Par ailleurs, nous laissons le soin aux équipes de décider de la musique diffusée dans leurs émissions [selon leur mandat]. Ce travail de jugement éditorial musical se fait naturellement en lien avec le contexte », a indiqué un porte-parole de la société d’État, Marc Pichette.

Appels à l’annulation

Après la publication du texte de Pitchfork, de nombreux appels à l’annulation de la tournée ont été lancés.

Lisez le texte sur les allégations envers le chanteur d’Arcade Fire Win Butler

Mais en voyant que le groupe avait décidé d’aller de l’avant avec les spectacles, nombre d’admirateurs se sont dits incapables d’aller l’applaudir sur scène ou même de l’encourager. Sur Twitter, les demandes de remboursement, qui interpellent directement le géant Ticketmaster, étaient très nombreuses mardi.

Mais à quelques heures du début du spectacle, les deux concerts de Dublin étaient toujours maintenus par le producteur MCD Productions, sans possibilité de remboursement pour les personnes qui ne désiraient plus y assister.

En ouverture de la soirée à 18 h 30, la chanteuse canadienne Feist est montée sur scène comme prévu. Les profits de la vente de ses produits dérivés seront versés à l’organisme Women’s Aid Dublin, pouvait-on lire sur une petite affiche accrochée à son stand.

Arcade Fire est ensuite monté sur la scène du 3Arena de Dublin devant une foule enthousiaste et peu de sièges vides, et a entamé le spectacle sans faire de commentaire sur la situation.

Le groupe, qui s’est produit à Osheaga il y a quelques semaines, doit donner une quarantaine de spectacles cet automne en Europe et aux États-Unis. La tournée WE, titre de son plus récent album, doit se terminer à Montréal le 3 décembre au Centre Bell.

La Presse a demandé à evenko, qui présente le spectacle, si une annulation était envisagée. « Nous sommes actuellement en train d’évaluer la situation », nous a-t-on répondu dans un courriel. Même chose pour les demandes de remboursements : « Nous évaluerons les demandes, le cas échéant, en ce qui concerne les remboursements. »

Déception

Daniel Seligman est directeur artistique de Pop Montréal, un évènement étroitement associé à Arcade Fire depuis ses débuts. Pour lui, il serait très étonnant que la tournée soit annulée. « Il y a des millions investis là-dedans, c’est impossible. Même si le band lui-même décidait d’annuler, il pourrait être poursuivi ! »

Il comprend que les fans soient fâchés, mais il estime qu’il y a plein d’autres moyens de le faire savoir. « Ils peuvent boycotter le groupe, aller au spectacle et leur crier après… Regarde Feist, elle va donner tout l’argent de ses ventes de produits dérivés à un organisme d’aide pour les femmes à Dublin. »

Il l’avoue, lui aussi est bouleversé par les révélations qu’il a lues dans Pitchfork. Surtout que c’était prévisible, à cause de la culture qui règne dans l’industrie musicale.

Ce mode de vie des rock stars… On ne peut pas traiter les gens comme ça, il faut les traiter avec respect et dignité. Le problème, c’est qu’ils sont entourés de gens qui ferment les yeux, qui couvrent, qui laissent faire, qui ont peur de dire quelque chose.

Daniel Seligman, directeur artistique de Pop Montréal

C’est lors d’un évènement organisé par Pop Montréal en 2016, Pop vs Jock, une collecte de fonds pour un organisme de basketball auquel le groupe participait depuis des années, que Win Butler aurait rencontré une des quatre personnes qui ont parlé à Pitchfork. Lire cette information a fait très mal à Daniel Seligman.

« C’est dur à entendre, qu’il ait utilisé sa venue pour cibler une jeune femme de 18 ans. »

C’est d’ailleurs la dernière fois que Pop Montréal a collaboré avec le groupe qui a grandi avec lui — c’est le festival qui avait présenté le grand spectacle gratuit d’Arcade Fire en 2011 sur la place des Festivals, après sa victoire aux Grammy.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Arcade Fire lors de son grand spectacle sur la place des Festivals présenté dans le cadre de Pop Montréal en 2011

« Nous avons une longue histoire avec le band, on a fait de grandes choses, dit Daniel Seligman. Mais la dernière fois, la relation n’a pas été très bonne. Les gens ne se sentaient pas bien, il y a eu des abus de langage. Ce n’est pas ce qu’on veut comme organisation. On a senti que ce n’était plus un bon fit, alors on a décidé de ne plus travailler avec eux davantage. »

Avec La Presse Canadienne