Il y a 25 ans, Wu-Tang Clan lançait son deuxième album, Wu-Tang Forever. Les attentes étaient énormes. Qu’elles aient été comblées ou non, ce disque double a marqué les esprits. Nous en parlons avec des artistes d’ici et d’ailleurs. Mais d’abord, retournons en 1997.

Beauport, Québec. La dernière cloche de la journée à l’école secondaire de La Seigneurie sonne enfin. Nous sommes le 3 juin 1997. À la maison, le CD double de Wu-Tang Forever m’attend – merci, maman ! Pourquoi une telle hâte ? Revenons encore quelques années en arrière.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean-Sébastien Perron, alias GenericTM

« C’est mon bon ami Boogat qui m’a apporté la cassette de 36, se rappelle Jean-Sébastien Perron, alias GenericTM. En premier, il m’avait donné Illmatic, de Nas. Une semaine plus tard, il m’a apporté 36 Chambers. Je peux te dire que ce mois-là, je me suis pris une bonne baffe. Après, j’ai copié la cassette à tous mes amis, puis c’était fini, on écoutait tous Wu-Tang. »

J’étais l’un de ses amis.

36 Chambers, c’est l’autre nom du premier album du groupe, Enter the Wu-Tang, qui a révolutionné le monde du rap, en 1993. Les beats sans artifice qui frappent fort, les échantillons de films de kung-fu, neuf rappeurs au style unique. Le succès a été phénoménal ! Il a été suivi par cinq albums solos, tous excellents. Alors, quand le Clan a annoncé qu’il unissait de nouveau ses forces en 1997, « les attentes étaient vraiment hautes ». « Moi, je m’attendais à la révolution, rien de moins », indique GenericTM, qui a lancé, l’an dernier, Jefferson Chief avec Eman. Le duo travaille actuellement sur la suite.

La première fois

Alors, dès mon retour de l’école, je descends dans ma chambre, ouvre mon Discman et commence l’écoute. Le premier morceau, Wu-Revolution, surprend. Pendant sept minutes, Popa Wu et Uncle Pete, les guides spirituels du Clan, enseignent les principes de la Five-Percent Nation. L’ado de 15 ans que j’étais est confus. Je suis vite rassuré par la voix de GZA, sur la pièce suivante, qui annonce : « Reunited, double LP, world excited ». Le reste de l’album compte plus de hauts que de bas. J’en ai discuté avec Marieme et Webster, artistes, fiers représentants de la culture hip-hop québécoise et frangins.

« J’avais 14 ans. On l’avait écouté avec la gang du basket, je crois. Quand tu écoutes du Wu-Tang, tu te sens dans un film ; c’est tellement imagé. Forever, c’est comme un long film à la fois très divertissant et très cru » illustre Marieme, qui a lancé l’album MARIO, en novembre dernier.

« Triumph, on capotait sur le clip juste d’un point de vue cinématographique, mais ce qui m’a le plus marqué, c’est le verse d’Inspectah Deck », ajoute son grand frère Webster.

PHOTO RAPHAËL RAHIM NIKIEMA, FOURNIE PAR LES ARTISTES

Marieme et Webster

J’en ai des frissons, juste d’en parler… I bomb atomically, Socrates’ philosophies and hypotheses… Les gens disaient : “Le rap, c’est une mauvaise influence”, mais là, lui, il parlait de Socrate. Tout ce qui était nommé en termes de lectures, en termes d’auteurs, en termes de penseurs, moi, j’allais le lire par la suite.

Webster, rappeur et auteur

Le rappeur et auteur poursuit : « Il y a aussi des chansons comme A Better Tomorrow ou The City qui parlent de la rue, mais qui dénoncent ce qui se passe, qui racontent cette réalité-là, sans la glorifier. »

Celle qui chante Impossible

PHOTO ALLISTER ANN, FOURNIE PAR LES ARTISTES

Tekitha et sa fille Prana forment O.N.E the Duo.

Une autre pièce dans la même veine est Impossible. Le couplet fort senti de Ghostface Killah est reconnu comme l’un des meilleurs de tous les temps et le refrain, chanté par Tekitha, est particulièrement puissant.

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Je me suis entretenu avec cette dernière. « En créant la chanson, RZA [le leader du groupe] savait qu’il voulait ma voix sur Impossible. Quand je l’ai entendue pour la première fois, j’ai vraiment aimé comment elle m’a fait sentir. C’était fait pour moi, pour le style que j’avais à l’époque », raconte Tekitha Washington, qui chante aujourd’hui du country avec sa fille – et celle de RZA – Prana Diggs, au sein de O.N.E the Duo.

On retrouve également la chanteuse en solo sur la pièce Second Coming. « Quand nous avons terminé l’enregistrement, je ne croyais pas que la chanson allait être sur l’album, encore moins qu’elle allait le clore, confie Tekitha. Je suis heureuse et reconnaissante d’avoir contribué à Wu-Tang Forever, mais je suis surtout fière de mes frères et de la puissance de ce qu’ils ont réussi à communiquer. »

Pour les plus jeunes

Olivier Brault, grand amateur de hip-hop et collectionneur, a découvert Wu-Tang Clan avec ce deuxième album.

Photo Marco Campanozzi, LA PRESSE

Olivier Brault, fondateur des Productions Pushin' Culture

C’est le premier projet qui m’a vraiment fasciné de A à Z. C’est un groupe de neuf personnes avec chacune sa personnalité. Dans le livret, ils avaient tous leur photo avec leur style et leur alias.

Olivier Brault, fondateur des Productions Pushin' Culture

Cet été, il organisera le premier évènement des Productions Pushin’ Culture, qui se spécialisent dans les rendez-vous à saveur hip-hop.

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le producteur québécois Nicholas Craven

Le producteur québécois Nicholas Craven, qui vient de lancer Latin Quarter, Pt. 1 avec le rappeur français Akhenaton, affirme que « Wu-Tang [l]’inspire depuis [s]es débuts, car RZA est l’un des artistes les plus créatifs dans l’art du sampling ». « Personne n’a jamais été capable de reproduire le son sale de Wu entre 1993 et 1995, alors que Wu-Tang Forever est plus facile à comprendre et à disséquer pour des artistes modernes, en termes de production. Cash Still Rules est une chanson cruciale dans mon développement artistique », ajoute celui qui a récemment fait des beats pour les Américains Boldy James et Ransom.

Bref, Wu-Tang Forever inspire encore et toujours.

En savoir plus
  • Des millions d’albums vendus
    Les ventes de Wu-Tang Forever s’élèvent à plus de 2 millions d’exemplaires aux États-Unis et 200 000 au Canada.
    RIAA et Music Canada
    Un clip coûteux
    Le vidéoclip de Triumph, réalisé par Brett Ratner (la trilogie Rush Hour) aurait coûté 800 000 $ US à produire.
    MTV News