(New York) Après le massacre d’écoliers à Uvalde, des artistes de country, genre musical traditionnellement rattaché à la mouvance politique conservatrice et blanche du sud des États-Unis, prennent leurs distances avec la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes qui se réunit au Texas.

Plusieurs vedettes de la country — compagnons de route historiques de l’organisation — ont en effet décidé de ne pas se produire à la convention annuelle de la NRA qui s’est ouverte vendredi à Houston, la mégapole du Texas, immense État conservateur du sud du pays.

Le chanteur Don McLean, célèbre pour son titre American Pie, a jugé qu’il serait « blessant » et « irrespectueux » d’y jouer. Il s’est déclaré dans un communiqué « sûr que les gens qui prévoient d’assister à cet évènement sont tout aussi choqués et que cela les rend malades ».

« Après tout, nous sommes tous Américains », a-t-il écrit, « partageant avec le reste de la nation la tristesse pour ces disparitions terribles et cruelles » de 19 enfants et de deux enseignantes massacrés mardi par un jeune de 18 ans dans l’école primaire d’Uvalde, située à 130 km à l’ouest de San Antonio.

« Évènement abominable »

Photo tirée de la page Facebook du musicien

Lee Greenwood

Le célèbre musicien Lee Greenwood, conservateur, et dont le succès God Bless the USA rythme les rencontres de l’ancien président républicain Donald Trump — qui doit assister à la convention de la NRA — a lui aussi annulé son concert : « En tant que père, je me joins au reste de l’Amérique, le cœur totalement brisé par cet évènement abominable ».

Même ligne pour les chanteurs de country T. Graham Brown et Larry Gatlin qui, dans des communiqués, ont annoncé l’annulation de leurs concerts samedi pour respecter « en toute conscience » la « douleur des familles » endeuillées.

Mais s’ils renoncent à Houston, tous ces artistes se gardent bien de critiquer la NRA et le sacro-saint droit constitutionnel aux États-Unis à posséder des armes à feu.

Le chanteur du groupe Restless Heart, Larry Stewart, a certes dit non à Houston cette année, mais il a défendu le fameux second amendement de la Constitution américaine et « la NRA, une grande organisation qui enseigne comment se servir des armes en toute sécurité par des citoyens qui se conforment à la loi ».

Country, conservateurs, armes

Selon des historiens de la musique aux États-Unis, le banjo, l’un des instruments d’origine des musiques country, bluegrass, ou folk, trouve ses racines aux Caraïbes au 17e siècle, joué alors par des esclaves noirs déportés d’Afrique vers les Amériques. Amené sur l’actuel territoire de l’est des États-Unis, le banjo fut repris par des populations blanches des Appalaches, aux 18e et 19e siècles.

Pour Mark Brewer, qui travaille sur les relations entre la musique et la politique américaines pour l’Université du Maine, il existe « des liens de longue date entre la musique country, la politique conservatrice et aussi la culture des armes à feu ».

Même si, précise l’expert à l’AFP, ce lien « est antérieur à l’émergence de la NRA comme centre du pouvoir conservateur ».

La prise de distance de musiciens country avec la NRA peut s’expliquer, selon M. Brewer, par « l’arrivée d’artistes jeunes, plus progressistes que la génération précédente sur la question des armes à feu ou des personnes LGBTQ ».

Swift, Rodrigo pour la régulation des armes

Photo FRANCIS SPECKER, archives Agence France-Presse

Taylor Swift

Rompant quatre mois de silence sur Twitter, Taylor Swift, la superstar folk et engagée de 32 ans — qui avait débuté à Nashville, capitale mondiale de la country — a exprimé mardi sa « rage » et sa « douleur » après les dernières tueries aux États-Unis.

Elle s’est dite « brisée par les meurtres d’Uvalde, de Buffalo, de Laguna Woods », en Californie, et a dénoncé le fait qu’« en tant que nation, nous sommes conditionnés par ces insondables, insupportables et immenses chagrins ».

Après un carnage dans un lycée de Parkland, en Floride, le 14 février 2018, Taylor Swift s’était jointe à une mobilisation nationale à l’époque pour réformer la législation sur les armes.

En dehors de la country, la pop star Olivia Rodrigo, 19 ans, « révélation de l’année » aux derniers Grammy awards, a, elle, clairement appelé mercredi lors d’un concert à Los Angeles à « des lois plus strictes sur la régulation des armes en Amérique ».

La prise de conscience d’artistes de country remonte à octobre 2017 lorsqu’un tueur sexagénaire avait tiré sur une foule réunie à un festival de musique country à Las Vegas (58 morts, des centaines de blessés).

Après cette tragédie, des musiciens comme Eric Church, Jason Isbell, Maren Morris ou Kacey Musgraves avaient réclamé des lois plus draconiennes sur l’accès, la vente et le port d’armes aux États-Unis, rappelle la revue Rolling Stone.