(Paris) La soprano russe star Anna Netrebko a été ovationnée mercredi soir à la Philharmonie de Paris pour son retour sur scène dans une capitale occidentale, après avoir été critiquée depuis la guerre en Ukraine.

Le public lui a réservé un accueil triomphal à son entrée, applaudissant pendant de longues minutes.

Souriante et détendue, portant une robe longue noire et blanche, qu’elle a fait voltiger de temps en temps, elle a interprété des morceaux de Rachmaninov, Debussy ou Tchaïkovski, avant de recevoir une standing ovation à la fin du spectacle.

L’ambassade d’Ukraine en France a pour sa part dénoncé sur Twitter le maintien « révoltant » de ce concert.

« Affligés par la dissonance criante entre l’opinion publique française mobilisée dans son soutien à l’Ukraine et l’hypocrisie du public se précipitant pour applaudir la soprano du Kremlin », a-t-elle écrit sur le réseau social.

Anna Netrebko, une des plus grandes voix lyriques au monde, avait été parmi les premiers artistes russes pointés du doigt après le début de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, pour ne pas avoir clairement dénoncé la guerre.

Le prestigieux Metropolitan Opera de New York, dont elle était la star, l’a ainsi déprogrammée pour une durée indéterminée. Elle avait alors annoncé se retirer temporairement de la scène.

Le 30 mars, elle a condamné « expressément la guerre contre l’Ukraine », ce qui lui a valu d’être retirée de l’affiche en Russie.  

Dans leur pays, les artistes russes ont été sommés d’afficher leur patriotisme ou, à défaut, de garder le silence, et dans les pays occidentaux, de prendre publiquement leurs distances avec l’opération militaire et le régime russe.  

La soprano n’a jamais ouvertement clamé son soutien au président russe Vladimir Poutine, mais il lui est reproché d’avoir posé en décembre 2015 à Saint-Pétersbourg avec le drapeau des rebelles séparatistes prorusses et d’avoir remis un chèque d’un million de roubles (environ 15 000 euros) au dirigeant ukrainien prorusse Oleg Tsarev.

Anna Netrebko s’était défendue en expliquant vouloir soutenir les arts, et plus particulièrement l’Opéra de Donetsk auquel l’Ukraine avait coupé tous les financements. Elle avait aussi assuré n’avoir « jamais reçu de soutien financier du gouvernement russe » et de ne s’être jamais alliée à « aucun dirigeant de la Russie ».

Dans un entretien au quotidien français Le Monde dimanche, elle a répété qu’elle n’était « coupable de rien », affirmant que sa seule erreur était de ne pas s’être « davantage informée de la situation au Donbass » et qu’elle voulait « juste aider des amis en difficulté ».

« On m’a aussi demandé de me déclarer contre Vladimir Poutine. J’ai répondu que j’avais un passeport russe, que c’était encore le président, et que je ne pouvais prononcer publiquement ces mots. J’ai donc refusé », a-t-elle ajouté.

Malgré sa condamnation de la guerre, le Met a remis en cause tous ses contrats jusqu’en mai 2026, selon elle.

Son ancien mentor,  le chef d’orchestre Valery Gergiev, un proche du Kremlin, a été déclaré persona non grata par les salles de concert occidentales.  

Le concert d’Anna Netrebko à la Philharmonie mercredi avait déjà été reporté trois fois à cause de la pandémie de COVID-19.

Son précédent récital à Paris remontait à 2019, lors d’un gala pour les 350 ans de l’Opéra de Paris. Elle sera de retour en décembre sur la scène de cette institution pour chanter dans « La Force du destin » de Verdi.

Elle fera aussi son grand retour en Italie, aux Arènes de Vérone cet été.