Mine de rien, Mon Doux Saigneur sortira cette semaine son troisième album en cinq ans. Créé pendant la pandémie, Fleur de l’âge sent bon le road trip toutes vitres baissées et est une ode joyeuse à la vie de musicien.

« Je parle beaucoup à mes musiciens à travers cet album. Et du coup, à mes meilleurs amis. » Emerik St-Cyr Labbé est l’âme et le cœur de Mon Doux Saigneur. Il écrit les textes, indique la direction à prendre. Ce groupe, c’est son projet.

Mais après trois albums créés avec le même noyau de musiciens, Mandela Coupal-Dalgleish à la batterie, Eliott Durocher-Bundock à la guitare électrique, David Marchand à la pedal steel – seul le bassiste Étienne Dupré a été remplacé ici par Cédric Martel –, Mon Doux Saigneur est aussi un groupe soudé, qui signe les arrangements et dont les membres sont les gardiens du « son Mon Doux ».

« Après trois albums, tout est plus fluide, explique Emerik St-Cyr Labbé. On se fait confiance, on a moins besoin de s’expliquer les choses. On le sait tout de suite si c’est du Mon Doux, si c’est du bon Mon Doux. On se disait ça en faisant l’album : ah, ça, c’est pristine, en voulant dire, c’est clair, c’est cristallin, c’est beau. On ne voulait pas que ce soit cool, ou nice. On voulait que ce soit pristine ! »

L’auteur-compositeur-interprète a eu le même souci de clarté dans ses textes. Il a évacué les « métaphores trop larges », a eu envie d’être « plus littéral, plus concis et premier degré ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

J’avais le goût de ne pas me gêner de parler des choses qu’on vivait en tant qu’artistes. Un peu comme les rappeurs vont parler de leur réalité, terre à terre.

Emerik St-Cyr Labbé

L’album est le reflet de ce que ses musiciens et lui ont vécu au cours des deux dernières années. Certains sont devenus pères, d’autres sont partis vivre à l’extérieur de Montréal, tous se sont ennuyés de la vie de tournée.

« Où t’es passé/tu m’as manqué/viens donc prendre l’air/où t’es passé/on s’est ratés/viens donc nous voir », chante d’ailleurs Mon Doux Saigneur sur la première chanson de l’album, la bien nommée Art vivant. Son précédent album, l’excellent Horizon, est sorti en février 2020, juste avant le début de la pandémie. Il a réussi à se frayer un chemin dans nos oreilles malgré l’absence quasi totale de spectacles, mais le chanteur a voulu parler de ce qui lui avait manqué pendant ces deux années. Sans s’apitoyer sur son sort, et surtout en se projetant dans l’après.

« Le monde fait des jokes : écris-tu des tounes sur le confinement ? Genre, si t’es rendu là, ça veut dire que tu n’as plus d’idées, c’est comme parler de la météo… Mais c’est quand même historique, ce qui s’est passé, et ça peut être intemporel. Je n’ai pas fait rimer restriction sanitaire avec je sais pas quoi… Je fais juste dire : ça fait longtemps qu’on est sortis et j’ai hâte de te revoir. Ça pourrait être dans n’importe quel contexte. »

Légèreté

Ce qui a changé chez Mon Doux Saigneur, qui avait déjà été amorcé sur Horizon, c’est un parti pris pour la légèreté, et la conviction qu’on peut créer autrement que dans l’inconfort. « J’ai tendance à croire que j’avais assez parlé des doutes, et des regrets, et des amertumes. »

« Le secret de l’âge, c’est d’être heureux… ici », conclut-il d’ailleurs dans la chanson-titre, comme si c’était le leitmotiv de l’album.

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« Je le dis dans d’autres tounes. Il n’y a pas de secret, tu devrais être bien là où tu es en ce moment, et si tu ne l’es pas, rien ne sert de courir après à l’extérieur de toi-même. C’est une mini petite sagesse que je dois me rappeler à moi-même… En fait, je dis tu, mais je me parle tout le temps ! »

Tout ça vient avec une simplicité qui sied bien à l’americana du projet, et dont Emerik St-Cyr Labbé assume de plus en plus le côté country – David Marchand, « le Joe Grass de la pedal steel », est pour beaucoup de ce son qui appelle le road trip. Le chanteur, qui peut autant « s’inspirer de Richard Desjardins et Abbittibbi » que « sonner comme du Mac DeMarco ou DJ Champion », aime cette espèce de « swing » qu’ils ont su insuffler à l’ensemble.

Avant, je voulais que ce soit puissant, enveloppant, que ça te fasse voyager dans ta tête. Là, j’ai envie que ça fasse sourire et danser.

Emerik St-Cyr Labbé

Une chanson comme Shoegaze, par exemple, dégage un plaisir pur et sans arrière-pensée. « Oui, au cœur de la toune, il y avait du plaisir, et je suis content que ça paraisse. Mais ç’a été comme ça tout le long. Même dans les chansons plus sérieuses, on était exaltés de faire de la nouvelle musique, et d’amener ça un peu plus loin, dans une version 2.0. »

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Quand il regarde cet album qui sort vendredi, Emerik St-Cyr Labbé est fier du chemin parcouru, et de cette trilogie qui s’ouvre sur la suite.

« J’avais signé pour trois albums avec ma compagnie de disques. C’est la première fois que je garde une job, que je la fais bien, et qu’on ne me met pas à la porte après six mois. Ça me prouve que je suis capable de compléter quelque chose. » Et d’aller chercher le meilleur des musiciens qui travaillent avec lui, et leur fidélité amicale et professionnelle.

« Il y a bien des bands qui les ont appelés. En les gardant proches de moi, c’est mes meilleurs amis, alors c’est naturel, ça a son bénéfice pour la personnalité du groupe. Je n’aurais pas pu le calculer, et j’y tiens encore plus qu’avant. Je ne suis jamais tout seul. » Et ça donne du bien bon Mon Doux.

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