Au moment d’enregistrer un premier disque solo, j’étais enceinte de ma fille, au début du troisième trimestre. Énergie débordante, crinquée, concentrée : ma productrice en était surprise… et heureuse.

La semaine suivante, la sage-femme était moins heureuse de m’annoncer que le bébé n’avait pas grandi depuis ma dernière visite. J’ai ralenti un peu, ma fille est née 10 jours en retard ; à près de quatre kilos, elle avait bien repris l’énergie que je lui avais empruntée. Je lui ai dédié ce premier disque.

Lui avait-il, en retour, apporté une ouverture musicale in utero ? Elle a une excellente oreille, elle aurait pu avancer en musique, mais n’a pas fait ce choix, au-delà de quelques années de piano.

Ce que j’ai appris depuis, c’est que ces pièces cent fois répétées avant et pendant l’enregistrement, quand je les rejouais après sa naissance, ma fille pouvait y déceler une fausse note, si j’avais le malheur d’en jouer une.

Non, je ne suis pas folle, et non, mon bébé n’était pas un génie : c’est la science qui a démontré, il y a quelques années, que tous les bébés ont cette compétence.

Contrairement à la vue, l’ouïe se développe assez tôt dans le ventre de la mère. Pendant le dernier trimestre de la grossesse, bien que la musique soit atténuée par l’environnement liquide, elle active déjà certains réseaux spécialisés dans le cerveau du fœtus : un « précâblage » destiné à organiser les sons et les rythmes⁠1.

En Italie, on a testé des bébés, les exposant régulièrement à des mélodies, avant et après leur naissance. Quand une mélodie connue est altérée, on peut voir le cerveau du bébé réagir, en l’observant au scanneur. On parle bien ici d’un bébé de quelques semaines !

Ce précâblage va s’activer en réponse à la culture musicale ambiante : chez nous, c’est la gamme occidentale (do-ré-mi-fa-sol…), mais ailleurs ça sera une gamme pentatonique (l’équivalent des touches noires du piano), ou même une gamme comprenant des micro-intervalles (un intervalle plus petit que le demi-ton, que notre oreille occidentale pourra entendre comme une note qui « fausse » légèrement).

De la même façon, le cerveau du bébé va apprendre à se synchroniser avec des rythmes simples et répétitifs : il va pouvoir les anticiper, et même réagir à un temps qui manque !

La clé, c’est la simplicité et l’aspect répétitif des structures musicales : Frère Jacques, une berceuse italienne, ou une mélodie jouée sur un balafon africain vont créer plus facilement une empreinte musicale qu’une pièce de Frank Zappa, par exemple.

Oui, la musique de Mozart peut se qualifier, simplement parce qu’elle est construite sur des codes assez simples. Mais oubliez le fameux « effet Mozart », popularisé dans les années 1990 : Mozart ne rendra pas votre enfant plus intelligent, cette hypothèse est dégonflée depuis longtemps.

L’agent de transmission le plus efficace, c’est le plaisir, ressenti et partagé. Si vous écoutez du Mozart avec plaisir en fin de grossesse, si vous exposez votre bébé à cette musique après sa naissance, vous allez contribuer au développement de connexions musicales dans son cerveau. Mais c’est aussi vrai pour Bach, ou pour Céline Dion.

Alors, futures mamans à grosses bedaines, chantez, écoutez la musique qui vous plaît, encore mieux : écoutez-la en concert.

PHOTO MIKHAËL ESTEREZ, FOURNIE PAR LES PETITS VIOLONS

Marie-Claire Cousineau et des élèves des Petits Violons

Pour souligner la fête des Mères, les Petits Violons présentent dimanche leur concert annuel gratuit⁠2.

En première partie, la violoniste Marie-Claire Cousineau, fille du fondateur Jean Cousineau et actuelle directrice de l’école, dirigera un groupe d’élèves avancés, soutenus par quelques professionnels de haut niveau.

Puis, pour une vingtaine d’enfants d’à peine plus de 5 ans, ce sera une première expérience de concert. Entourés par les plus avancés, ils vivront une immersion sonore inoubliable. Leurs petites pièces toutes simples seront soudain magnifiées par l’orchestre qui les entoure.

« Ils sont sérieux, mais leurs yeux brillent. C’est souvent un tournant pour eux, une expérience qui leur donne envie de continuer le travail. » Marie-Claire est consciente des efforts et de l’engagement nécessaires, à la fois pour l’enfant et pour ses parents. L’école des Petits Violons prend les enfants à 5 ans, pour que les progrès amènent plus rapidement une gratification. « On les évalue à l’admission, mais en général, la motricité, la coordination et la concentration sont mieux développées à partir de 5 ans. »

Je lui demande si elle a eu l’impression de transmettre la musique à ses deux garçons… avant même leur naissance. « Je préparais notre concert de fin de saison, à la fin de chacune de mes grossesses. En tout cas, les pièces de la méthode de mon père, elles étaient déjà bien assimilées : ils n’ont eu aucun mal à les apprendre ! »

Ses fils ont maintenant 9 et 12 ans, et joueront tous les deux au concert de dimanche.

La suite leur appartient.

⁠1 La chercheuse Isabelle Peretz a très bien vulgarisé ce phénomène dans son essai intitulé Apprendre la musique, paru chez Odile Jacob en 2018. Elle y dresse la liste des études pertinentes, liste encore à jour, m’a-t-elle assuré récemment.

⁠2 Une contribution volontaire est bienvenue pour soutenir la mission des Petits Violons. Les sièges sont assignés. Il faut donc se procurer des billets par téléphone, en ligne ou à la billetterie du centre Pierre-Péladeau.

Consultez la page du concert du 8 mai des Petits Violons Consultez le site des Petits Violons