Le Studio TD accueillera ce dimanche l’un des meilleurs batteurs au monde, avec le passage au Québec de Pineapple Thief, groupe britannique phare de la nouvelle scène post-progressive. Entretien avec un musicien hors norme, qui s’apprête aussi à reprendre du service avec Porcupine Tree, en plus de préserver l’inclassable signature rythmique de l’immortel groupe King Crimson.

Gavin Harrison a beau reconnaître être associé au rock progressif, il rejette les étiquettes.

« Les styles sont un bon moyen d’ignorer ce que vous avez accompli pendant votre carrière, soutient le batteur de 58 ans. Si vous vous présentez comme un musicien de jazz, les gens vont vous associer à ce genre de musique. On m’a étiqueté comme un batteur de prog, mais je n’ai pas grandi en écoutant cette musique-là ! J’ai plutôt grandi en écoutant du jazz et de la musique anglaise populaire à l’époque, des trucs punk surtout. Bref, si vous pouvez écouter Miles Davis et du punk dans la même minute, vous ne vous souciez pas des genres. »

Pas étonnant donc de l’entendre nous dire qu’il ne s’embarrasse pas des styles. Il est d’ailleurs heureux de constater à quel point l’appétit pour différentes formes de musique a grandi au courant des dernières années, la frontière entre différents genres étant selon lui de plus en plus floue.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE PORCUPINE TREE

Le batteur Gavin Harrison

« J’y vais à fond »

« C’est soit bon soit mauvais, je me laisse simplement guider vers les bonnes choses, soutient le Britannique. Après tout, il ne s’agit que de rythme, d’accords, de mélodies. Ça peut donc être amusant à l’occasion de prendre une personnalité death metal, par exemple, même si je ne connais rien à ce genre de musique. Si je sens qu’une partie de chanson a besoin de quelque chose d’agressif, j’y vais à fond. »

Gavin Harrison n’hésite pas à recourir à des techniques comme les blast beats, normalement réservés aux formes extrêmes de métal. On l’entend d’ailleurs sur le nouvel album Give It Back, une relecture de vieilles chansons de Pineapple Thief, dont les versions originales ont été enregistrées avant son arrivée, en 2016.

IMAGE FOURNIE PAR KSCOPE

Give It Back, de The Pineapple Thief

« Quand je me suis joint au groupe pour l’album Your Wilderness, il a bien fallu que j’apprenne de vieilles chansons pour les jouer en tournée, se rappelle-t-il. Quelques-unes avaient été enregistrées avec des boîtes à rythmes, Bruce [Soord, le compositeur principal] m’a dit que je pouvais faire ce que je voulais des chansons. J’ai donc créé de nouveaux arrangements en vue de la tournée et les gars ont vraiment aimé. J’ai suggéré de faire la même chose avec d’autres chansons de leur répertoire. Je suis ainsi arrivé avec une version radicalement différente de Wretched Soul que Bruce a trouvée fantastique. J’ai ensuite proposé de faire un album avec ces relectures ; on est arrivés avec 15 ou 16 nouvelles versions, on en a choisi 12 sur l’album. »

Ce n’est pas la première fois que Harrison met sa touche à des chansons enregistrées par d’autres artistes. En fait, il est responsable de la signature rythmique des chansons jouées en spectacle par King Crimson depuis 2008, avec la bénédiction de Robert Fripp, fondateur de l’iconique groupe.

« King Crimson est une bête complètement différente de tous les autres groupes, avec sa propre philosophie », s’exclame Harrison à propos du groupe qui met en vedette trois batteurs en spectacle. « Quand j’ai rejoint le groupe, Robert est venu à la maison pour m’indiquer quelles chansons on allait jouer.

Quand je lui ai dit que je n’avais aucun album de King Crimson, il m’a souri en disant : “C’est génial !” J’ai donc eu avec King Crimson la même approche qu’avec le projet Give It Back de Pineapple Thief ; j’ai refait la plupart des arrangements des trois partitions de batterie, même si je ne connaissais pas les versions originales. Je n’étais pas influencé par ces partitions historiques, et Robert adore ça, ça donne aux chansons une nouvelle attitude.

Gavin Harrison

En attendant de reprendre la route avec King Crimson, Gavin Harrison va terminer la tournée nord-américaine de Pineapple Thief, qui passe aussi ce mardi au Palais Montcalm de Québec, avant de s’envoler à Vancouver le 3 juin. Après quoi il se concentrera sur le retour de Porcupine Tree, son groupe original formé avec Steven Wilson et Richard Barbieri, avec qui il n’a pas joué depuis 2010. « Nous serons plongés dans un tourbillon de promotion autour du nouvel album, après quoi nous allons faire nos répétitions en août, nous apprend le percussionniste. C’est assez gros, en fait, beaucoup plus qu’à l’époque où nous avons mis le groupe en veilleuse. On s’est aperçus que la légende du groupe avait beaucoup grandi au fil des années. »

Le nouvel album du trio, Closure/Continuation, sera lancé le 24 juin, la tournée suivra à partir du 10 septembre à Toronto, avec un arrêt à la Place Bell de Laval deux jours plus tard. Quant à The Pineapple Thief, Gavin Harrison nous indique qu’un nouvel album est déjà en chantier, avec une sortie prévue à la fin du printemps 2023. « Je connais mon emploi du temps jusqu’à la fin de 2023, je ne peux d’ailleurs rien ajouter à mon agenda d’ici là ! », conclut-il en riant.