Le printemps ramène immanquablement la valse des dévoilements de programmations. La prochaine saison de la Fondation Arte Musica, la dernière de sa directrice Isolde Lagacé, qui a annoncé son départ après 12 ans, se distingue toutefois autant par sa variété que par sa qualité.

L’ancienne église Erskine et American de la rue Sherbrooke, aujourd’hui la salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal, aura-t-elle jamais été aussi occupée que l’an prochain ? Elle vibrera en tout cas presque une journée sur deux au son des voix et instruments, avec plus de 160 évènements, dont 122 produits par la Fondation.

« C’est du jamais-vu pour moi. C’est énorme ! », s’enthousiasme Isolde Lagacé, qui explique ce foisonnement par les nombreux artistes dont la venue a été compromise par la pandémie et qu’elle a souhaité faire jouer avant son départ.

Car la directrice n’a pas voulu imposer ses desiderata à la personne qui lui succédera dans les prochains mois, voulant la laisser « faire sa marque ». « La balle va être dans le camp de la personne qui me remplace », assure-t-elle.

L’intégrale des cantates de Bach, entreprise en 2014, un des projets phares de la directrice, se conclura par conséquent l’an prochain avec la participation de musiciens des orchestres symphoniques de Montréal et de Laval, du Trinity Baroque Orchestra (New York), de Clavecin en concert, d’Arion, de Caprice, du Studio de musique ancienne de Montréal, de l’Harmonie des saisons, d’A nocte temporis (Belgique) et de l’Orchestre Métropolitain.

Autrement, Isolde Lagacé continue d’avoir comme principe de donner autant de place aux musiciens locaux qu’étrangers. « Je ne suis pas dans le vedettariat et je ne suis pas dans le “il faut que ça vienne d’ailleurs pour que ce soit bon” », avance-t-elle.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’ARTISTE

Le violoncelliste Steven Isserlis sera un des artistes invités lors de la prochaine saison de la Fondation Arte Musica.

Les amateurs de grands noms seront néanmoins comblés avec la venue de la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter, du violoncelliste Steven Isserlis, des pianistes Alexandre Tharaud, Louis Lortie et Marc-André Hamelin, du flûtiste Emmanuel Pahud, de l’altiste Antoine Tamestit et des Tallis Scholars, une liste qui est loin d’être exhaustive et qui comprend autant des habitués de la salle du Musée des beaux-arts que des nouveaux venus.

L’aspect « découverte » demeure en effet central à la salle Bourgie, et pas seulement pour les artistes.

Je vais à 150 concerts par année et entendre toujours le même quatuor de Beethoven, la même sonate de Beethoven, à un moment donné, ça manque d’originalité. Ce n’est pas un jugement de valeur contre le grand répertoire. Mais pour quelqu’un qui va souvent au concert, il n’y a rien d’aussi satisfaisant que de découvrir une œuvre.

Isolde Lagacé

Ainsi, à côté des sonates pour piano de Beethoven, dont Louis Lortie conclura l’intégrale, maintes fois reportée depuis 2020, de grands quatuors à cordes du répertoire avec les Modigliani, Debussy et consorts et des « standards » de la mélodie et du lied par des chanteurs comme Philippe Sly, Victoire Bunel et Jana Miller, les mélomanes sont conviés à découvrir de nombreuses pages peu connues du répertoire avec, entre autres, l’ensemble de musique médiévale Diabolus in musica, le Nouvel Ensemble moderne, l’Orlando Consort, l’ensemble baroque Clematis, le Philip Glass Ensemble et la pianiste Célimène Daudet.

Mais le public sera-t-il au rendez-vous, après deux ans d’une pandémie en dents de scie ? « Il y a beaucoup de concerts que je programme pour lesquels je sais très bien que le public potentiel maximal, c’est 175 personnes. Je sais bien que ça ne couvrira même pas les frais du concert. Mais je les programme quand même, parce qu’il faut une vue d’ensemble. Je ne peux pas espérer que chaque concert rapporte de l’argent », souligne Isolde Lagacé, qui estime qu’environ 30 à 40 % des spectateurs manquent encore à l’appel.

Même si elle analyse le tout la tête froide, la directrice a néanmoins un petit pincement au cœur devant ces places vides. « Quand j’allais au concert à 13-14 ans, s’il y avait un siège de libre à côté de moi, je me disais : “Ah, comme c’est dommage, quelqu’un aurait pu aimer ça.” Je pense que c’est pour ça que j’ai fini par faire ce que je fais », conclut-elle.

Consultez le site de la salle Bourgie